Lassonde, la crise Oasis et les médias sociaux : entreprises, bienvenue dans le 21e siècle !

Ce n’est pas une prédiction bien risquée à faire : des cas comme celui auquel Lassonde a dû faire face avec les jus Oasis, il y en aura de plus en plus. Dans un article paru dans la section Technaute de Cyberpresse, on soulignait qu’il s’agit d’ « une lame de fond imprévisible ». C’est vrai… Jusqu’à un certain point.

Oasis - jus - Lassonde

Seriez-vous prêt à faire face à une crise comme celle d’Oasis? Avant d’être une question de médias sociaux, ou de communications, c’en est une de culture d’entreprise.

C’est vrai que les entreprises peuvent désormais se retrouver, et de façon imprévue, dans la ligne de mire des médias sociaux, puis, par extension, celle des médias en général. Mais, si on pouvait s’attarder à regarder de plus près chaque entreprise, on pourrait assez facilement voir lesquelles ont des chances d’être mieux préparées à faire face à ce genre de crise. Et, je vais peut-être vous étonner, mais ce ne sont pas forcément celles qui sont très actives sur les médias sociaux, que ce soit Twitter, Facebook ou tout autre plateforme.

Car, de plus en plus, on se rend compte que les médias sociaux agissent comme un révélateur de la culture d’entreprise. C’est justement ce que j’expliquais dans la chronique du dernier Infopresse, intitulée L’humanité des marques: sur les médias sociaux, plus question, pour les entreprises, de s’adresser à son public en employant le même ton que dans une brochure ou une publicité. Les entreprises doivent aller au-delà des discours d’affaires, mettre de l’avant leur personnalité, se montrer ouvertes, accueillantes, intéressantes et transparentes : les failles, à cet égard, sont rapidement exposées au grand jour. On en a un bel exemple ces jours-ci… Et puis, les entreprises doivent aussi intégrer une notion à laquelle plusieurs ne sont pas encore habituées : la conversation. Et tenir une conversation, cela signifie d’abord écouter, c’est-à-dire « monitorer » ce qui se dit au sujet de sa marque et de son entreprise, puis, au besoin, être en mesure de réagir et de répondre.

Et c’est ici que j’en arrive à dire que tout cela n’a pas forcément à voir avec le fait d’être, ou non, très actif sur les médias sociaux. Car les premières questions qui se posent à cet égard ne concernent pas la technologie, les réseaux, les plateformes, mais plutôt la culture d’entreprise : a-t-on ici affaire à une entreprise qui a une tradition d’ouverture et de transparence face à sa clientèle? Qui s’est toujours montrée soucieuse, au départ, d’être réceptive aux commentaires et d’y répondre de façon adéquate? Qui peut facilement être à même, à tout moment, de défendre en public, de façon crédible et cohérente, ses façons d’agir? On le voit, ce n’est pas ici, au départ, une question de technologie, ni même de relations publiques ou de stratégie de communications. C’en est une de culture d’entreprise. En fait, on pourrait  dire que les bonnes stratégies de communications reposent, au départ, sur une bonne culture d’entreprise. Et que, quand les initiatives de « relations publiques » se plantent, c’est justement parce que ce n’est pas le cas…

Dans le cas de Lassonde, je ne suis pas dans le secret de leurs initiatives de communications. Et, à l’issue de de ce week-end de Pâques, je ne prétends pas, non plus, avoir lu, vu, et entendu tous les reportages sur le sujet, pour commenter les interventions qu’a pu faire (ou non) l’entreprise. Aurait-il fallu, comme certains l’ont souligné, envoyer le président lui-même pour parler aux médias? Je ne sais pas. S’il faut vraiment tracer un bilan rapide et un peu prématuré, je serais portée à dire que Lassonde, somme toute, ne s’en sort pas trop mal. Ils ont réagi, pris la bonne décision, et ils ont communiqué cela efficacement.

Mais ceci dit, ils ne sont sûrement pas au bout de leurs peines. En effet, maintenant, Lassonde doit s’attendre à être scrutée plus que jamais pas les membres du public. Dont certains vont se faire un plaisir d’amener sur la place publique divers aspects. Ainsi, pour une telle entreprise, qui œuvre dans le domaine de l’agro-alimentaire, il y a bien des chances pour qu’on s’intéresse à la provenance des matières premières : sont-elles cultivées selon des pratiques durables et éthiques? Soigne-t-on le bilan environnemental et l’ « empreinte carbone »? Etc… Sans compter le fait que l’on risque aussi de s’intéresser aux poursuites précédentes que Lassonde aurait intentées à l’endroit d’autres entreprises…

Il sera là, le vrai test : l’entreprise est-elle prête pour tant de transparence? Ses pratiques en place peuvent-elles soutenir le test de l’opinion publique? Et, quand ce n’est pas le cas (quand même, l’entreprise parfaite, ça n’existe pas), est-elle capable d’en répondre?  D’expliquer la situation, son point de vue là-dessus, et la façon dont elle est en train d’y travailler? Je termine tout juste un livre, co-écrit avec Guillaume Brunet, stratège et formateur en marketing numérique et médias sociaux, et Martin Lessard, conseiller et commentateur respecté en matière de stratégie web et de médias sociaux, qui porte sur l’utilisation des médias sociaux sous un angle d’entreprise, et qui paraîtra prochainement aux Éditions Infopresse. Et ce sont là des points centraux que nous abordons : un, les médias sociaux ont de bonnes chances d’être partie prenante des stratégies d’entreprises; et deux, ce qui compte, c’est la culture des médias sociaux et du partage qui sera implantée par une entreprise, la compréhension du comportement du public, et la relation qui aura été bâtie avec ce même public.

Lassonde fait partie des multiples entreprises qui font face, un peu brutalement, aux nouvelles réalités inhérentes à la dynamique des médias sociaux. Et qui se retrouvent, tant bien que mal, à se taper un cours accéléré en la matière. Ce qu’on va réaliser dans les années à venir, c’est que certaines entreprises, sans être des champions côté plateformes et médias sociaux, ont déjà au départ des valeurs, et un fonctionnement, qui facilite leur passage sur les médias sociaux, le jour où elles en ont besoin. Et que, pour d’autres, la nouvelle réalité des communications nécessitera des changements plus en profondeur.

Et d’une façon ou d’une autre, j’aurais tendance à ne pas clouer trop vite au pilori tous ces dirigeant(e)s d’entreprises, petites ou grandes, qui se retrouvent ainsi, tout à coup, face aux nouvelles réalités. Mais, plutôt, à les encourager à se questionner, et à changer. Bonne chance à tous les entrepreneurs, et bienvenue dans le 21e siècle. Pour vrai.

  1. Mon problème avec l’article de La Presse que tu cites c’est l’utilisation du mot « imprévisible » dans le titre.

    Voyons donc! Ça fait huit ans que diverses personnes (oui, je suis du nombre) disent que les entreprises doivent s’humaniser. Et être humain, ça inclus d’être capable de reconnaître une erreur.

    Je suis désolé mais je n’ai plus beaucoup de pitié pour les entreprises qui se font lyncher par le tribunal d’opinion des médias sociaux. Elles n’avaient qu’à y penser.

  2. Disons, qu’il a aussi manqué un trait-d’union entre le PR traditionnel et le 2.0. Une réaction imprévisibl? L’article initial a été publié le 7 avril sur Cyperbresse (dont les textes sont très partagés) et un responsable de Lassonde y était cité. Côté RP 2.0, l’alerte aurait du être lancée à ce moment. Et ne parlez pas du blogue de Lassonde lancé ce matin, j’appelle cela lancer de l’huile d’olive sur un feu presque éteint.

  3. L’expression « révélateur de la culture d’entreprise » est très claire. Les entreprises et leurs dirigeants doivent s’adapter surtout sur le Web alors que le temps de réaction est vital…

    Bel exemple à montrer à nos clients actuels et futurs. Les relations publiques sont très souvent mises de côté mais les dirigeants en découvrent la valeur lors de la gestion d’une crise comme celle de ce week-end.

    Je crois que la planification de la mise en ligne de l’entreprise sur les réseaux sociaux implique également le déploiement des ressources financières et humaines pour gérer ces médias.

  4. Médias sociaux, glissements et pensée unique | Marie-Claude Ducas - pingback on 11 avril 2012 at 20 h 47 min
  5. Excellent papier Marie-Claude. Mais comment faire pour dupliquer l’opération OASIS en faveur de Claude Robinson contre Cinar et ses complices? Cela fait 15 ans que des voleurs profitent du système judiciaire pour éviter d’affronter la réalité, à savoir reconnaître qu’ils ont spolié un auteur.

  6. Cultiver pour mieux gérer | Nancy McLaughlin - pingback on 19 décembre 2013 at 11 h 05 min
  7. Anticiper… | mariebelzilelacitec - pingback on 27 avril 2014 at 18 h 13 min

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