Quatre excellentes raisons d’aller voter

Cela commence à faire quelques années que je me bats contre une détestable et dangereuse attitude qui menace toujours de s’installer : celle comme quoi il ne serve pas à grand-chose d’aller voter. Vous avez sûrement déjà lu ou entendu au moins quelques-uns des arguments qu’on donne pour appuyer ce point de vue. Des arguments comme : on ne s’occupe pas des vrais enjeux de toute façon ; les politiciens font campagne (puis gouvernent) en fonction des sondages seulement ; le système est pourri, et pas vraiment fait pour refléter vraiment le vote populaire ; on ne gagne rien à prolonger cet état de fait ; etc.

Des arguments qui, c’est triste et consternant, ont beaucoup été portés par  certains influenceurs – artistes, commentateurs, journalistes – , et trouvent souvent une grande résonnance dans un public jeune, instruit, et souvent assez actifs sur les réseaux sociaux.  Arguments ancrés dans un sentiment de supériorité mal placé, sur le mode: « Nous on a compris que le système ne sert à rien, qu’il faudrait autre chvoterose de VRAIMENT nouveau; on est tellement mieux que tous ces ploucs qui croient encore dans le système, dans ce que racontent les politiciens, etc. »

Sauf que…

Dans les faits, en s’abstenant de voter (ou en annulant son vote), on se tire dans le pied. On refuse de faire entendre sa voix, lors d’une occasion importante, pour modifier le cours des choses. Non, ce n’est pas la SEULE façon de s’impliquer dans la société, et d’y apporter des changements. Heureusement, d’ailleurs. Mais c’en est une d’importance, et qui ne revient pas tous les jours. D’où l’importance de ne pas la laisser passer.

Voici donc quatre raisons d’aller voter aux élections fédérales, ce lundi 19 octobre.

Ne pas laisser les vieux décider à votre place. Cela ressort constamment dans les statistiques : plus vous êtes jeunes, moins vous votez… Sérieusement, c’est ce que vous voulez ? Un pays dans lequel les vieux auront fait les choix pour vous ? Et pour leur donner raison quand ils vont vous  dire, encore une fois, « vous ne savez pas de quoi vous parlez » ?  Non, sérieusement : mettez-vous en réserve une bonne raison de leur clouer le bec. Allez voter. (Et puis, si vous êtes plus vieux, ne perdez pas vos bonnes habitudes : continuez d’aller voter…)

Se départir une fois pour toutes d’une série d’illusions dangereuses. Oui, le système, et tout ce qui s’y rattache, est imparfait. Très imparfait, même. Truffé de vices de forme. Et de grandes injustices, aussi… Mais c’est aussi un véhicule infaillible pour vraiment changer des choses. Pensons-y : qu’est-ce qui a permis ici, ces dernières années, de mettre en place des mesures qui ont permis, par exemple, aux Québécois francophones de sortir de la pauvreté, de prendre les commandes de leur économie, de passer des lois pour sauvegarder leur langue, de maintenir, en Amérique du Nord, une société francophone forte ? Des gouvernements démocratiquement élus. Beaucoup plus efficace, jusqu’à présent, que les multiples rêves d’une « réforme en profondeur du système », concept qui reste assez vague et imprécis d’ailleurs…

Il y a des problèmes avec le système tel qu’il est, avec les partis politiques existants ? Oui, assurément. Mais les mécanismes existent, à l’intérieur même de ces systèmes, pour le faire savoir, et y changer les choses. Et, la première façon de se faire entendre, c’est de voter. (Puis, si tout cela vous intéresse assez, vous pourrez penser à devenir membre du parti que vous trouvez « le moins pire ». Et, aller aux assemblées, pour faire valoir vos points de vue quant à ce qui devrait changer).

Ne pas voter = paresse + inconscience. Paresse, parce que, oui, voter, c’est de l’ouvrage. Il faut se renseigner, au moins un peu : sur les programmes des partis; sur les candidats dans notre circonscriptions… Prendre la peine de se tâter, de se demander en qui on a confiance. Et tout cela, en sachant que, désormais, il faudra suivre l’actualité, pour voir si celui pour qui on aura voté la mérite bel et bien, cette confiance… Et puis, inconscience parce que, qu’il suffit d’avoir passé quelques jours dans un pays où la démocratie n’est pas implantée comme ici, pour réaliser à quel point tout ce qu’on prend pour acquis ici est encore refusé à une bonne partie de l’humanité. Juste la possibilité de s’exprimer un peu librement, pour commencer. Comme touriste, je suis allée visiter des pays où, sur le visa d’entrée, je n’ai pas écrit que j’étais journaliste, pour ne pas avoir d’ennuis. Comment, ensuite, revenir dans un endroit comme ici, où l’expression et la liberté font tellement partie de l’air ambiant qu’on ne s’en aperçoit plus, et cracher dans la soupe? Vous voulez mettre la paresse et l’inconscience à la base de vos choix de vie, vraiment ?

S’acheter le droit de « chialer ». Vous en avez marre de vous faire dire par plein de monde, quand vous vous épanchez sur plein de choses qui ne fonctionnent pas à votre goût, que « vous n’avez pas de raison de chialer » ?  Voici l’occasion d’étouffer dans l’œuf cet argument, que ce soit sur Facebook, dans vos discussions entre amis, ou dans n’importe quelle réunion de famille : « Oui, j’ai bien le droit de chialer. J’ai voté. » Imparable. Ne vous privez surtout pas de cela : allez voter.

Et vous ? Quelles seront vos raisons d’aller voter ? Venez compléter ma liste avec vos commentaires…

(Ce billet a d’abord été publié sur Le Journal de Montréal.)

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