Un peu trop d’amis

Il y a un an, dans ce même espace, je racontais que je venais de découvrir Facebook. Comme bien d’autres avant – et après – moi, je constatais l’attrait dévastateur que pouvait avoir ce réseau social, avec ses côtés à la fois puérils et un peu narcissiques. Facebook a continué de gagner en popularité depuis, passant de quelque 60 millions d’utilisateurs à plus de 120 millions. Mais…

On voit déjà des signes d’essoufflement. Pour commencer, et ça n’a pas tardé, Facebook a cessé d’être le new kid on the block. Maintenant, il n’y en a plus que pour Twitter, surtout depuis tout l’engouement généré autour de ce réseau par son utilisation par Barack Obama et son organisation. Et puis, Facebook s’est rapidement heurté à ses propres contradictions. Déjà, en décembre dernier, j’écrivais : « Est-il judicieux, pour une marque, d’exploiter cette intimité spontanée qu’on ressent en surfant sur les réseaux sociaux, et surtout la mine de renseignements qu’elle peut y trouver ? Arrive-t-on sur un formidable champ de bataille où vont finalement s’affronter les contradictions et les paradoxes qui existent entre citoyens, consommateurs, annonceurs, publicitaires ? ». Et pas plus tard qu’en février 2008, une chroniqueuse du site web français Rue89.com se montrait proprement clairvoyante. « On vous prédit que Facebook finira comme une vieille discothèque. Passant de boîte gaie à club branché puis night club étudiant, avant de survivre de concours de miss et de karaoké le samedi soir », écrivait Guillemette Faure, avant de poursuivre : « Qui se souvient de Friendster ? MySpace et Facebook ont tué Friendster comme les soirées du Macumba ont enterré celles du Moonlight. »Les réseaux sociaux, soulignent de plus en plus de commentateurs et de blogueurs, semblent porter en eux-mêmes les causes de leur déclin. Pensez-y : plus il y a de monde sur Facebook, plus vous risquez de croiser des gens que vous préférez éviter (par exemple, si vous avez plus de 25 ans, votre employeur; et, si vous en avez moins de 25, vos parents).

Et maintenant, ce sont des annonceurs qui, après s’être lancés un peu vite, remettent en question l’à-propos d’utiliser les réseaux sociaux. « Qu’est-ce qui, au nom du Ciel, a permis de croire qu’on pouvait exploiter commercialement l’endroit où un gars rompt avec sa petite amie ? », demandait Ted McConnell, directeur général du marketing interactif et de l’innovation de Procter & Gamble, lors d’une récente conférence. Du même souffle, il remettait en question la notion de « média généré par les utilisateurs ». « Du média, c’est quelque chose qu’on peut acheter et vendre, qui contient de l’inventaire, des espaces disponibles. Les consommateurs n’ont jamais essayé de générer du média. Ils tentent de parler à d’autres. Alors, je nous trouve un peu arrogants : on vient pirater leurs conversations, leurs pensées et leurs sentiments. Et l’on essaie decommercialiser tout ça », expliquait-il.Un savoureux élément d’actualité en terminant : le lendemain de l’élection d’Obama, on apprenait que la plupart des grands journaux américains, submergés par la demande, ont dû réimprimer des exemplaires. Oui, c’est un phénomène exceptionnel, lié à un événement aussi exceptionnel. Mais cela ouvre quand même des perspectives intéressantes sur le rôle de certains « vieux » médias : très changeants, certes, et beaucoup moins importants qu’avant. Mais, somme toute, pas voués à la disparition complète.

Cela dit, en ce qui concerne les médias comme à peu près n’importe quel domaine, on ose à peine avancer quoi que ce soit, au seuil des turbulences économiques qui s’annoncent… Bon début d’année 2009 malgré tout.

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