Uber, les taxis, etc.: quand on se compare…

Alexandre Taillefer, dont on sait que, entre autres activités, il pilote un projet de taxis électriques à Montréal et a récemment acquis la firme Taxi Hochelaga, publiait  dans La Presse d’hier (vendredi 14 août) ce texte d’opinion intitulé «Les cowboys 2.0». Je l’ai partagé sur ma page Facebook, accompagné de la mention suivante: «À lire (et j’insiste: à lire VRAIMENT), ce texte d’Alexandre Taillefer, qui traite des enjeux liés à Uber et UberX. Et qui fait vraiment le tour des enjeux. Au-delà des positions idéologiques souvent un peu primaires…»

Les «J’aime», les commentaires et les partages que j’en ai récoltés ont de quoi me donner à croire que j’ai été exaucée quant au fait d’être lue. Même si, étant donné la nature de certains commentaires, pour ce qui est d’être lue VRAIMENT, c’est une autre histoire… Mais rien de nouveau: quand des gens ont une opinion déjà faite, il est souvent bien difficile de les amener à la remettre en question.

D’ailleurs je vous y invite également, vous qui lisez ce blogue: avant d’aller plus loin, svp allez lire ce texte. Et lisez-le VRAIMENT.

C’est fait? Alors, poursuivons.

Maintenant, avant de passer aux réflexions que ces passionnants échanges m’ont inspirées, voici des extraits de certains commentaires. Comme je trouve cela un peu délicat, je ne nommerai pas les gens qui les ont écrits, sauf s’il s’agit de ceux qu’Alexandre Taillefer a lui-même faits. Mais sachez que la plupart du temps, ce sont les commentaires de gens qui évoluent en général dans l’univers «2.0», sinon dans les médias et, autrement, à la frontière des deux…

Allons-y donc:

«Si le service dans l’industrie du taxi était digne du 21e siècle, je serais d’accord à 100%. Mais chaque fois que j’entre dans une voiture sale avec un chauffeur qui marmonne dans son cellulaire, je me soucie assez peu du prix qu’il a payé pour son permis.»

Ce à quoi j’ai répondu: «On s’entend qu’il y a BEAUCOUP de chemin à faire, et entre autres en ce qui a trait à la formation des chauffeurs. Mais ça n’invalide pas ce qui est soulevé dans ce texte…»

J’ai eu comme réponse: «Non, mais remercions UberX d’avoir secoué cette industrie.»

photo-Uber

Photo prise dans un taxi à Boston… où on s’est par ailleurs fait faire la gueule, parce qu’on n’allait pas assez loin au goût du chauffeur.

Et Alexandre Taillefer a rétorqué: «Remercions Uber. Pas UberX.» Et l’autre a répondu: «Sans UberX, il n’y aurait pas eu tout ce tapage, cette urgence d’innover. C’est UberX qui menace les chauffeurs, pas Uber (qui menace plutôt les entreprises de répartition).»

Autres commentaires: «Je crois fondamentalement que tout le monde soutient Uber. Mais que tout le monde devrait aussi du même coup refuser UberX. Ce serait une position juste et équilibrée. Uber pousse l’industrie à se moderniser. UberX n’apporte rien à part le chaos.» «On voit comment les politiciens manquent de formation dans ce qui a trait aux technologies disruptives, et elles le sont maintenant presque toutes, car connectées.» «Airbnb a su s’adapter aux règlements [locaux] ou, à tout le moins, « s’acheter » une bonne réputation. C’est pourtant le même genre de commerce sauvage à la base. Est-ce qu’Uber X pourrait suivre la même voie? Ou les lobbys des taxis sont-ils trop puissants?»

À propos de cette référence à Airbnb, Alexandre Taillefer a répondu: «Quand on loue son appartement deux semaines par année, c’est de l’économie du partage. Quand tu achètes des condos pour les louer sur Airbnb à l’année, c’est une business. La législation va couvrir et encadrer le modèle Airbnb. La même chose doit s’appliquer pour le covoiturage.»

Un autre de mes contacts, qui est journaliste, a souligné: «Je suis peu sensible aux arguments de M. Taillefer, provenant d’une industrie (les médias) qui n’a jamais été protégée des Facebook, Google et autres agrégateurs de contenus gratuits qui raflent aujourd’hui la majorité de l’argent des annonceurs… sans payer non plus d’impôt au Canada.»

Ce à quoi Alexandre Taillefer a répondu: «Justement un autre combat à livrer. En tant que copropriétaire de Voir, j’en sais quelque chose. On baisse les bras et on laisse faire? On laisse la « nouvelle économie » nous appauvrir collectivement?»

Il y en a eu pour mettre en question la crédibilité d’Alexandre Taillefer dans ce dossier, évidemment:

«Désolé Alexandre, quand vous écrivez: “Certains argueront que je viens d’acquérir Taxi Hochelaga et que je prêche pour ma paroisse. Au contraire…”, vous n’avez aucune crédibilité. Vous avez un intérêt personnel direct à ce qu’Uber ne fonctionne pas. C’est évident comme vos lunettes au milieu de votre visage.

Pour le reste, je remarque que vous prenez exactement la même attitude que le reste de l’industrie du taxi, une industrie universellement considérée comme sclérosée qui a eu besoin d’un [nouvel] adversaire pour se rendre compte qu’on était rendu dans le 3e millénaire. Votre argument: il faut protéger le système, parce que le système se protège lui-même. On croirait entendre un syndicaliste des années 1970!

Vous parlez d’ailleurs beaucoup plus des chauffeurs que des clients Et quand vous parlez des clients, vous errez…

Quand vous écrivez: “Les Montréalais veulent un service courtois et efficace, un chauffeur qui connaît le chemin et des voitures propres et en ordre. […] UberX n’apporte rien de ça”, c’est faux. Les chauffeurs légaux sont trop souvent ni courtois ni efficaces, et surtout il n’y a aucun mécanisme pour les inciter à l’être. Les voitures sont souvent déplorables. UberX apporte quelque chose à ça, et c’est un service courtois et efficace, avec des voitures convenables… sinon le chauffeur UberX se fait exclure.

Je suis pourtant particulièrement sensible au sort des petits travailleurs et à leur remplacement par des systèmes automatisés (je suis même en train d’écrire un roman sur ce thème!). Mais bordel, il faut les défendre avec des arguments plus solides! Vous êtes capable de beaucoup mieux.»

Ce à quoi j’ai moi-même répondu: «Pas pour rien que, en partageant l’article d’Alexandre, j’avais incité, dans mon commentaire, à le lire VRAIMENT… ;-). Je ne pense pas qu’il soit question ici de défendre à tous crins les actuelles façons de faire, dans ce qu’elles ont d’aberrant et d’incompétent. Mais foncer tête baissée dans le capitalisme sauvage 2.0 n’est pas la solution. D’ailleurs, et je l’ai déjà écrit, c’est quelque chose qui me fascine, dans cette merveilleuse communauté 2.0: on a là des gens qui se disent les apôtres de la solidarité sociale, qui vont par exemple endosser les mouvements “Occupy” et tout ce qui s’y rattache… Et qui, à d’autres moments, nous tiennent le discours le plus darwinien qui soit: “survival of the fittest”, “que ceux qui ne peuvent pas s’adapter disparaissent”, “winner takes all”, etc. Faudra un jour m’expliquer ce paradoxe…»

Voilà, ça donne un aperçu des échanges. Si jamais ça vous intéresse vraiment, vous pouvez  aller lire tous les échanges ici.

Et pour poursuivre: quand on se compare…

Plus tôt cet été, j’ai fait un voyage en famille qui nous a amenés entre autres à New York, puis à Boston. Comme le sujet des taxis c. Uber était déjà dans l’air, j’ai été portée à prêter davantage attention aux taxis, à leur état, au comportement des chauffeurs, etc.: est-ce différent ailleurs? Les problèmes qu’on déplore ici sont-ils uniques à Montréal? D’ailleurs, je vous invite déjà à partager, à la fin de ce billet, vos impressions par rapport à votre expérience du taxi, ici et un peu partout dans le monde.

Pour ma part, j’y vais déjà:

À New York: on est, tout comme ici, sujet à se faire «faire la gueule» quand on s’embarque pour une course qui, aux yeux du chauffeur, n’est pas assez longue. (Alors que… quand on arrive à la gare de train avec plein de bagages, que devrait-on faire? Les trimballer à pied, dans le bus et/ou dans le métro?) Et puis, souvent, juste TROUVER un taxi, c’est toute une affaire. On a passé trois quarts d’heure à en attendre un à notre hôtel, alors qu’on partait prendre le train (heureusement qu’on s’y était pris d’avance…) Pour finalement se décourager et partir à pied (avec tous nos bagages!) en espérant en attraper un une couple de coins de rue plus loin. On a fini par arriver, après un délai là aussi, mais plus de chance que si on était restés devant notre hôtel… La carte de crédit, par contre, ça ne semble plus vraiment un problème…

À Boston: arrivés à la gare, le taxi dans lequel nous sommes embarqués nous a aussi affiché un air peu amène, parce qu’on allait relativement près (à son goût). Ironie suprême: il y avait, à l’intérieur, un autocollant portant la mention: «Keep calm and regulate Uber» (dont la photo, que j’ai prise, accompagne ce billet). Vous comprenez qu’on ne s’est pas gênés pour lui souligner ça…

Une considération d’ordre général, en terminant: le taxi, tout comme le transport en commun à d’autres moments, fait partie des premiers contacts qu’on a avec une ville. Pourquoi ne soigne-t-on pas cela davantage? Pourquoi les chauffeurs ne seraient-ils pas davantage formés en conséquence? Par exemple, commenter un peu les quartiers qu’on traverse, nous situer un peu… Quand on débarque dans une ville, on est perdus, sans contexte. Les chauffeurs sont eux-mêmes les habitants d’une ville, ils seraient bien placés pour nous donner des indications du genre: «Là, on traverse le quartier des affaires; là, on traverse le quartier chic, ou le quartier à la mode», etc. Ou pour nous parler de ce qui se passe, de ce qui fait parler ces temps-ci. Par exemple: quelqu’un qui débarque à Montréal ces temps-ci ne pourra sûrement pas manquer d’être frappé par la présence de pancartes électorales un peu partout. Ce serait bien de savoir que, si ça nous intrigue, alors qu’on est à bord du taxi, on peut questionner le chauffeur à ce sujet et avoir déjà quelques indications, non?

Est-ce que je rêve en couleurs?

Et vous, quelles ont été vos expériences dans les taxis, d’ici et d’ailleurs?

Avez-vous eu des chauffeurs qui seraient, selon vous, des exemples à suivre? Avez-vous des histoires particulièrement inspirantes à raconter?

(Ce billet a auparavant été publié sur Le Journal de Montréal.)

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