L’ère du design. Ou: ce que nous avons tous à apprendre des designers

Le livre Design ?, publié l’automne dernier par Frédéric Metz, professeur associé de l’Uqam et commentateur respecté en la matière, s’ouvre sur une citation de feu Steve Jobs, fondateur d’Apple : « Selon l’idée populaire, le design signifie l’apparence, la décoration intérieure, le tissu des tentures et du canapé. Mais rien n’est plus éloigné de la véritable signification du mot “design”. Au contraire, le design est l’âme d’une création façonnée par l’homme qui saura exprimer, selon des modifications successives, le produit ou le service. »

Design? - Frédéric Metz

Le livre Design? de Frédéric Metz, publié l’automne dernier. (Source de l’image ici)

Apple est en effet l’un des meilleurs exemples – et sûrement le plus connu – d’entreprise ayant placé le design au centre de tout. Elle a beaucoup contribué à installer l’idée que la meilleure publicité réside dans un produit bien conçu, attrayant, agréable et facile à utiliser, et que la vraie fonction du design n’est pas surtout de « faire joli ». Pour beaucoup, tout cela est même une évidence.

Alors… pour élaborer une stratégie qui aura des répercussions sur la distribution de produits, la publicité, le web, les médias sociaux, les relations publiques et même la formation du personnel, pourquoi la réflexion ne commencerait-elle pas par le design ? Pourtant, cela arrive rarement.

Mais je vais risquer ici une prédiction : cela n’arrivera pas instantanément, mais la façon de faire et de penser des designers va, dans l’avenir, dominer la communication.

Un terme particulièrement en vogue, surtout depuis la multiplication des plate-formes médias et l’essor des médias sociaux, est « storytelling » : les entreprises et les marques, dit-on, doivent avoir une notion claire de leur propre « histoire », pour pouvoir bien interagir avec leur public. En fait, derrière cette notion d’« histoire à raconter », les concepts importants sont : cohérence et cohésion. Alors que le consommateur a, plus que jamais, du contrôle, et son mot à dire, les organisations qui réussissent le mieux sont celles qui montrent une connaissance profonde de ce qu’elles sont, de leurs valeurs et leurs objectifs, et arrivent à les intégrer partout.

Or, c’est précisément l’approche des designers face aux problèmes : ils les abordent de façon globale, en pensant en système. Ainsi, Starbucks, qui, en 2011, l’année de ses 40 ans, a entièrement revu son image, a réussi à décliner son offre dans une multitude d’aspects complexes, qui allaient bien au-delà de son nouveau logo : ses cafés et ses nouveaux comptoirs à jus, le packaging de ses produits vendus en épiceries, ses applications mobiles… « Le design est devenu une série de réflexes et de comportements dans toute l’entreprise, au lieu d’être confiné à un service », expliquait Connie Brisall, responsable de ce mandat à la firme Lippincott, lors d’un panel à l’événement Advertising Week l’automne dernier.

L’application de cette « pensée design » peut aller jusqu’à englober toute la réflexion stratégique d’une entreprise, même sa gestion. Il y a un an, dans Infopresse, un dossier traitait du Design Thinking, mis de l’avant par la société américaine Ideo depuis plus d’une décennie. Au départ firme de design industriel, Ideo aide maintenant les entreprises à questionner leur fonctionnement, leur façon de résoudre les problèmes, d’innover et même d’aborder la hiérarchie.

Alors, designers, préparez-vous : dans les prochaines années, le monde pourrait vous appartenir…

Cet article est d’abord paru comme chronique dans l’édition de février du magazine Infopresse, puis sur Infopresse.com. Il m’avait d’ailleurs valu, entre autres sur les réseaux sociaux, diverses réactions de la part de joueurs du milieu du design. Et je vais sûrement revenir sur le sujet. Avez-vous des réflexions intéressantes à partager là-dessus d’ici là ?

 

Laisser un commentaire