« Être informé, c’est être libre » – René Lévesque

Il n’était peut-être pas le premier ni le seul à l’avoir dit, mais c’est René Lévesque qui, ici, a fait connaître cette citation. Avant de se lancer en politique, il a été un grand journaliste, vulgarisateur et communicateur passionné. Et, parmi les multiples témoignages autour de sa mort (il y a 25 ans aujourd’hui),  je trouve particulièrement intéressant le florilège de témoignages publiés dans Le Devoir, le weed-end dernier. Et en particulier de la part de certains et certaines, qui l’ont côtoyé de près.

René Lévesque - Le Devoir

René Lévesque: aussi intègre que pétri de paradoxes. (Source de l’image: http://www.ledevoir.com/non-classe/362544/je-me-souviens-de-rene-levesque)

Dans celui du journaliste et auteur Pierre Godin : « Ce qui m’a frappé (…)’est cette impression qu’il a tout dit durant les années 60 et 70 et que, depuis, les autres politiciens ne font que répéter. Dès qu’il est entré en politique en 1960, ce fut sa lubie [comme ministre des Travaux publics] d’essayer de lutter contre la corruption et de purifier le financement des partis politiques.» À noter que la biographie qu’a consacrée Pierre Godin à René Lévesque est la meilleure, l’incontournable, celle qu’il faut avoir lu : aussi rigoureuse et crédible que vivante et intéressante, c’est un modèle du genre.

Témoignage de Jacques Parizeau, ancien premier ministre du Québec : Lévesque a été finalement l’homme de quelques idées très claires. […] La première, c’est que le Québécois n’est pas né pour un petit pain et qu’il peut réaliser de grandes choses. (…) c’était une sorte de marque, de foi dans la capacité du Québécois, qui traînait des complexes d’infériorité depuis bien longtemps. […].

Témoignage de Bernard Landry, ancien premier ministre du Québec : « c’était un communicateur extraordinaire. C’est pour ça qu’il avait choisi le métier de journaliste. Une des phrases qu’il prononçait le plus souvent dans ce temps-là, c’était : « Être informé, c’est être libre. » […] Et, enfin, c’était un des premiers internationalistes québécois. Il était fasciné par l’international. »

Témoignage de Claude Sylvestre, réalisateur à l’émission Point de Mire à l’époque: «Quand il a couvert la guerre de Corée, les journalistes américains l’adoraient et le trouvaient très efficace. Lui-même se sentait tout à fait à l’aise avec eux. Par contre, il trouvait les Français très compliqués, toujours emmêlés dans leur dentelle. Je crois qu’il aurait pu aller travailler pour un réseau américain, ce qui lui aurait rapporté un salaire faramineux.»

Témoignage de Graham Fraser, commissaire aux langues officielles et ex-journaliste : « Un homme lui a posé la question suivante : « Supposons que vous perdiez. Supposons que votre parti n’aille nulle part et que vous êtes battu totalement… » Puis, après une pause pour l’effet dramatique : « Est-ce que vous pourriez envisager la possibilité de venir ici, en Saskatchewan, et de vous présenter ? » La salle, hilare, a explosé en applaudissements. C’est un souvenir qui démontre le sentiment contradictoire des anglophones envers lui : on rejetait son option, mais on estimait énormément l’homme. »

Témoignage de Lise Payette, ministre dans le cabinet Lévesque : «Ç’a été l’homme le plus attachant que j’ai connu en politique, le plus droit, le plus exigeant. Et, à côté de cela, l’homme le plus compréhensif, le plus large d’esprit, le plus accueillant et plein d’humour.(…) Ce qui ne voulait pas dire qu’il était parfait et toujours facile. Il était extrêmement respectueux de ce qu’on appelle la démocratie, mais, à certains moments, il n’était pas démocratique du tout. »

Comme le montre entre autres la citation de Lise Payette, René Lévesque était un être pétri de paradoxes. Ce n’est pas pour rien que les Québécois se retrouvaient tellement en lui. C’était un nationaliste convaincu, qui en même temps se méfiait des excès auxquels peuvent mener les nationalismes, à cause de ce qu’il avait vu en couvrant la seconde Guerre mondiale. Un nationaliste québécois, soucieux de défendre le français, et qui néanmoins, à bien des égards davantage attiré par la culture et la mentalité américaines et anglo-saxonnes que françaises…

C’était aussi un démocrate tellement passionné et convaincu qu’il plaçait la démocratie au-dessus de tout, même de ses autres convictions les plus profondes quant à l’indépendance du Québec; quitte à impatienter, et même à s’aliéner, ceux qui partageaient ces convictions. Et enfin, d’autres l’ont assez dit et écrit ces jours-ci : il était d’une intégrité totale et absolue, une qualité dont on s’ennuie beaucoup en politique ces temps-ci. Et j’ajouterai qu’il était capable de montrer et de maintenir cette intégrité, tout en restant pratique, et sans tomber dans la naïveté, la grandiloquence ou l’angélisme.

Et, si on est capable de s’ennuyer autant de ce genre de qualités aujourd’hui, on peut sans doute se dire que tout n’est pas perdu…

  1. Bonjour,
    Je lis votre blog pour la première fois. Je trouve votre mini portrait de M.Lévesque intéressant. Dire que les trente ans et moins, ceux qui ne l’on pas connu, ne peuvent aujourd’hui comprendre la profondeur de l’âme québécoise que représentait M. Lévesque. Car soyons honnête, personne sauf M. Parizeau, n’a su incarner aussi fortement ce que le Québec est. L’honnêteté, le discours franc et le respect de la démocratie était en effet les lignes directrices de ces deux hommes. Nous sommes loin de ça aujourd’hui.

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