PontPop à l’ÉTS: lire l’avenir dans les bâtons de Popsicle

Lundi dernier, le 21 février,  j’ai participé  au genre d’événement qui me réconcilie avec l’humanité en général, et avec la jeunesse et le monde de l’éducation en particulier. J’étais un des juges lors de l’édition 2011 du concours Pontpop, organisé par l’École de technologie supérieure (ÉTS). Le concours  – il y a un volet secondaire et un volet collégial – consiste à construire un pont qui soit à la fois solide et esthétique, en utilisant comme seuls matériaux des bâtons de Popsicle, des cure-dents en bois, de la colle blanche et de la soie dentaire.

Les gagnants sont déterminés, par un jury composé d’ingénieurs et d’architectes, en fonction de la qualité d’exécution (25 %), de l’esthétique et de l’originalité (25 %), de la présentation technique (10 %) et surtout du facteur de résistance (40%). Ce dernier est déterminé de façon définitive lors d’un événement qui est le clou de la journée: ces chefs-d’oeuvre miniatures sont enfermés dans une cage de verre, puis soumis à la pression croissante d’une presse hydraulique, jusqu’à se faire « cruncher ». *

L’événement vise évidemment, dans une optique de recrutement d’élèves, à générer de la visibilité pour l’ÉTS, et cela réussit fort bien.

Le défi PontPop. Seuls matériaux permis: bâtons de Popsicle, colle blanche, soie dentaire et cure-dents

J’étais donc là pour le volet secondaire. Non, je ne dissimule pas dans mon background un diplôme d’ingénieur ou d’architecte… Même si j’ai quand même renoué avec certaines de mes racines professionnelles, à savoir le journalisme scientifique.  Je jugeais le volet Média, ajouté récemment par les organisateurs du concours, pour juger de la capacité des concurrents à communiquer leur démarche, expliquer leur travail, pourquoi ils ont opté pour tel modèle de pont, etc.

Et là, j’ai été frappée, comme souvent dans de telles circonstances, par le contraste entre ce qui se passait là, et ce que l’on voit constamment dans les médias sur le système d’éducation, le nivellement par le bas, les professeurs incompétents, les élèves démotivés, etc., etc. Bien sûr, on ne parle pas là d’un échantillon représentatif du monde scolaire en général; c’est un peu la même chose dans les  Expo-Sciences. Et puis, loin de moi l’idée de resservir le couplet sur « les-médias -qui-font-juste-parler-des-mauvaises-nouvelles ». Les médias sont justement là pour débusquer et faire connaître les problèmes, et c’est très bien qu’ils le fassent.

Mais quand même. Cela ne fait pas de tort d’avoir des « reality check » positifs de temps à autre. Je me promets d’ailleurs, un jour, de faire un billet uniquement consacré à des choses qui je trouve, vont bien, entre autres en ce  qui concerne l’éducation. D’ici là, en voici déjà quelques-unes glanées à cet événement.

– Je le réalise maintenant: je n’ai pas entendu une seule fois les mots « genre », « full », « chill » ou tout autre terme du…. genre (!). Ceux qui nous avons primé, évidemment, étaient remarquables de rigueur et de dynamisme, mais tous les autres que nous avons rencontré s’exprimaient à la fois avec clarté, éloquence en même temps que spontanéité et fraîcheur. Qu’est-il arrivé aux ados illettrés et marmonnant qu’on aime tant caricaturer? Oui, je sais, ceux qui étaient là étaient des sortes d’exception. Mais quand même. Ce qui, sans vouloir pavoiser outre mesure, vient un recouper ce que j’avais déjà écrit pour contrebalancer les propos qu’on entend sur « les jeunes d’aujourd’hui » (qui, en plus d’être illettrés, seraient matérialistes, égoîstes, etc.)

– Non, ce n’était pas le festival de l’école privée. Jugez en ici, avec la liste des écoles participantes, et aussi celle des gagnants.  Il y en avait, bien sûr. Mais il y avait, m’a-t-il semblé, au moins autant d’écoles publiques. Dont deux équipes de l’école Louis-Joseph Papineau, au coeur du quartier St-Michel, endroit associé d’habitude à des termes comme « décrocheurs », « violence », « gangs de rues »… Leurs équipes faisaient partie de celles que j’ai eu à juger. Je n’ai pas eu de temps pour parler aux profs qui les accompagnaient. J’aurais bien aimé.

– Agréable surprise, il y avait beaucoup de filles. Peut-être pas une majorité, mais une portion appréciable.

– Cela finit par devenir un cliché, mais tant pis. Parce que c’est vrai: oui, il y avait beaucoup de jeunes d’origine asiatique. **

– Dans les ambitions de carrières des concurrents, il n’y avait pas tant d’aspirants-ingénieurs. C’est sans doute moins « le fun » pour l’ÉTS, mais c’est intéressant. Parmi ceux que nous avions questionnés sur leurs ambitions d’avenir, les intérêts comprenaient la biologie, le design, l’architecture (quand même)… L’équipe à qui nous avons décerné le prix Média comprenait de futurs cégépiens en sciences humaines et une aspirante-hygiéniste dentaire. Or, et ceux qui appartiennent à la même tranche d’âge que moi pourront en témoigner, c’était différent avant: on était « nerd » ou littéraire/artiste, mais pas les deux à la fois. Les choses étaient coupées au couteau, comme d’ailleurs en matière de goûts musicaux, ainsi que l’évoquait à merveille Stéphane Laporte, fin janvier, dans cette chronique. Mais ce genre de frontières étanches semble voué à la disparition. Ce qui, sur le plan des ressources humaines,  nous amène des gens plus intéressants: des ingénieurs et des scientifiques aux horizons plus larges, des artistes qui auront intégré une certaine rigueur, et un intérêt pour les sciences…

Et donc, en ce qui concerne mon groupe de jurés médias, il y avait Ariane Lacoursière, de La Presse, Simon Dubé et Cathé, de Kwad9 (prononcez « Quoi de neuf »), Monique Crépault, de Imagine, la revue du Réseau des ingénieurs du Québec, Claude Girard, du magazine Construire, Patricia Richard du magazine Jobboom, l’équipe de La revanche des Nerdz, (François-Étienne Paré, Pascal Forget et François-Dominique Laramée), et Martin Carli, de l’émission Génial! L’animateur de Génial!, Stéphane Bellavance, animait d’ailleurs la journée.

Nous avons accordé le prix Média, haut-la-main, au projet Krak, de la polyvalente Dorval-JeanXXXIII, qui s’est aussi retrouvée troisième au classement général, en plus de remporter le Coup de coeur architecture. Nous avons accordé un Coup de coeur au projet La Sica, de St-Jean-sur-Richelieu, assemblé par une équipe de… une jeune fille, à l’enthousiasme et et à la rigueur peu communes. On a aussi accordé un prix relève (!) à l’équipe du collège Mont- St-Louis, composée d’élèves de secondaire 2 ! Entre temps, nous nous sommes bien amusés. Et nous avons tous été très impressionnés.  Mes collègues de Kwad9 ont semé chaque fois l’émoi chez les participants en les soumettant chaque fois au test des poneys.

Chaque média participant, a fourni un prix pour  les gagnants. En ce qui nous concerne, évidemment, c’était un abonnement d’un an au magazine Infopresse. Et j’ai oublié d’attirer leur attention sur le fait que, dans le dernier numéro, que je leur ai remis, il y a justement un dossier sur les jeunes, et en particulier ceux de leur tranche d’âge, que l’on a déjà baptisés la « Génération Z ». Et, si jamais ils lisent ce billet, je serais bien curieuse d’avoir leur opinion sur le dossier en question: les spécialistes qui y sont cités ont-ils raison? Se « plantent »-ils à certains endroits? Et si oui, où ?

* 24-02 AM: J’ai filmé cela, mais j’ai des problèmes pour compresser et ajouter le vidéo. J’espère y arriver un peu plus tard…

** Une des équipes avait d’ailleurs souligné les origines sino-québécoises de ses membres en baptisant son pont « Poutine Général Tao ».

  1. Merci beaucoup Mme Ducas pour ce billet. La compétition PontPop mérite d’être connue davantage.

    On se prépare donc maintenant pour le 10e anniversaire de l’événement.

    À l’année prochaine :)

  2. Mme Ducas,
    J’ai été engagé à titre de graphiste dans une grande compagnie à l’âge de 19 ans (en fait, il y a de ça à peine deux ans). On me félicitait pour mon professionalisme et mes courriels bien rédigés. Mais entre vous et moi, je m’exprime en «genre» et en «full» le weekend.
    Les jeunes que l’on caricature sont parfois les mêmes à qui l’on remet des médailles, mais ils connaissent bien la phrase «know your audience»!

    Aussi, quant à la frontière entre qui séparait autrefois les nerds et les artistes, je me permet d’être en désaccord. La profession de graphiste ou même de rédacteur a quant à moi sa part d’art et sa part de rigueur. Non?

    Pendant que j’y suis, merci pour tous ces délicieux billets, j’adore vous lire!

  3. esce possible davoir les plan pour savoir comment réaliser se pont jadore faire des chose de se genre avec pas grand outils sa mintérese jattend votre réponse merci d`autre genre de montage aussi

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