Image : Target pourra-t-il rouler sur sa réputation?

Il y a trois conditions qui assurent à une entreprise de se faire haïr: 1)Être américain 2) Être numéro un dans son secteur et 3) Viser une clientèle « populaire », et pas élitiste. S’il vous manque seulement l’un des trois, vous pouvez espérer vous faire pardonner pas mal de défaut, et d’erreurs.

Target tire parti d'une image plus élitiste, due à un branding et un design soignés...

Si vous réunissez les trois, par contre, résignez-vous :  vous êtes déjà « casté » dans le rôle du méchant.

C’est pourquoi Target, la chaîne de magasins à bas prix mais à l’image « hip », qui débarquera au Canada en 2013, peut se réjouir d’avoir eu Walmart pour lui servir de paratonnerre.  Walmart qui est devenu plus gros, plus vite, dans plus de pays. C’est comme dans le fast-food : quelle est la tête de Turc préférée  ? McDonald’s, bien sûr. Qui n’est pourtant pas plus « méchant » au point de vue nutritionnel, que Burger King, Harvey’s, Wendy’s ou A&W (ni que Taco Bell, probablement). Et qui, même,  fait plus d’efforts pour offrir de meilleurs menus, soutient des œuvres comme les Manoir Ronald McDonald, s’implique dans les communautés, et  offre à ses employés de bonnes conditions de travail et d’avancement, surtout si on les compare  à d’autres dans le même domaine …

Qu’importe. C’est le terme « McJobs » qui est passé dans le langage courant pour décrire des emplois ingrats et précaires. C’est  McDonald’s que Morgan Spurlock a pris comme cible pour son film  SuperSize Me. Et c’est le clown Ronald McDonald que les parents américains ont pris pour cible dans une campagne contre l’obésité des enfants (voir ici le mouvement Retire Ronald. La concurrence, pendant ce temps-là, s’en tire plutôt à bon compte.

... et aussi d'avoir Walmart pour lui servir de paratonnerre dans l'opinion publique

Idem pour Walmart. C’est le terme « Walmartisation » qu’on a inventé pour décrire une trop grande globalisation (supposément), une trop grande concentration dans les mains d’un grand joueur, et même l’étalement urbain et ses conséquences. Et c’est sur Walmart que se concentrent les critiques, qui souvent pourraient être étendues à bien d’autres dans le commerce de détail. Qui se préoccupe d’un Target, ou d’autres, pendant ce temps-là? En apprenant,  en janvier dernier,  que Target arriverait au Canada, (en « rachetant les baux de location » de la plupart des Zellers)  journalistes et commentateurs se sont montrés favorables, et même  enthousiastes.  Mais il y a désormais des fausses notes : Target aurait l’intention, selon ce que nous apprenait François Pouliot dans Les Affaires, de mettre à pied les employés des magasins Zellers, pour reprendre ensuite uniquement ceux qu’elle désire. Ce qui défierait au moins l’esprit de nos lois du travail. Et montre que, en tout cas, Target n’est pas forcément plus « gentil » que d’autres… C’est d’ailleurs exactement ce que disait cet article publié aux États-Unis en 2007, vers lequel mes recherches m’ont menées: « Public perception has allowed Target to escape the scrutiny that seems to follow Wal-Mart at every turn. »

C’est tout à fait cela: Target part avec une couple d’atouts pour  s’en tirer sur  le plan de l’image : en plus d’être, on l’a vu, dans l’ombre de Walmart, il a au départ un capital de sympathie, dû à son image un peu plus élitiste. Laquelle est le résultat d’un branding et d’un design soignés.  C’est un peu comme Starbucks qui, auréolé de son image écolo-cool de Seattle, s’est quand même fait pardonner plus facilement que d’autres sa croissance effrénée et son envahissement des quartiers. C’est bien la preuve que le souci de l’image, du design, et du branding, valent, somme toute vraiment quelque chose pour les entreprises. Même si, ultimement, cela ne peut plus servir d’écran de fumée pour des mauvais produits ou des mauvais comportements.

Alors, Target rectifiera-t-il le tir? Et si oui, comment? En tout cas, il y a là de beaux mandats pour des gens compétents en relations publiques…

P.S. Il y a parfois des coïncidences assez savoureuses merci: juste comme  je terminais la rédaction de ce blogue et que je m’apprêtais à le mettre en ligne, je reçois un courriel de la firme Octane Stratégies, qui mentionne qu’elle a obtenu le mandat de Target en stratégies et en relations publiques au Québec et au Canada. Félicitations! Un beau mandat, indeed, dont il sera très intéressant de suivre l’évolution.

  1. Très, étrange, en effet, que Target ne soit pas la « cible » de plus de critiques… :-) Ce jeux de mots bilingue étant fait (de par ma citoyenneté, je me sens l’obligation d’en faire au moins un par an, habituellement entre la Saint-Jean et la fête du Canada; il sera fait pour cette année), je crois que la venue d’autres joueurs majeurs ne peut être qu’une bonne chose. En complémentarité avec les boutiques spécialisées (plus chères mais mieux outillées pour répondre à nos besoins plus spécifiques), une bonne bataille entre grands du détail mondialisé ne sera selon mon humble avis que profitable à tous, consommateurs et travailleurs compris.

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