Tendance Super Bowl : l’adieu aux hommes-cornichons

Dans les pubs du dernier Super Bowl, une tendance m’a frappée: la nouvelle image des hommes qui émerge dans la publicité.

Et avant d’aller plus loin, revenons sur une image qui dominait jusqu’ici depuis un bon bout de temps, (et au grand dam de bien des hommes), à savoir:  «le nono». Bref résumé du phénomène et de son origine: on sait que la pub, confrontée à la nécessité de faire passer un maximum d’informations, d’images et d’émotions en 30 secondes, doit avoir recours à des images fortes, voire des clichés. À preuve, ces décennies de pubs dans lesquelles les femmes étaient soient des «poupounes», soient des ménagères. Images qui ont à peu près disparu du paysage, après avoir été abondamment dénoncées. Et qui, de toute façon, ne sont vraiment plus en phase avec l’air du temps.

Mais la réalité publicitaire des petits sketches ultra-condensés n’en subsiste pas moins. Et, donc, dans une pub mettant en scène un homme et une femme, si le scénario impliquait un protagoniste un peu nono, (versus un plus dégourdi qui lui fait la leçon), lequel avait le rôle du nono? Sûrement pas la femme, sous peine, pour les rédacteurs, de se faire taxer de sexisme éhonté. D’où une avalanche de pubs mettant en scène des superwomen délurées, face à des hommes maladroits et empotés.  Un phénomène qui avait notamment poussé notre ami le publicitaire Jean-Jacques Stréliski (bonjour, Jean-Jacques, en passant) à populariser le terme «homme-cornichon».

Mais, après avoir vu les pubs du Super Bowl 2010, je chemine vers l’heureuse conclusion que le règne de l’homme-cornichon tire à sa fin. Enfin, heureuse… dans la plupart des cas, oui. Car, l’époque étant à la fragmentation plutôt qu’aux phénomènes de masse, plusieurs tendances, et non une seule, semblent émerger pour remplacer l’homme-cornichon.

Tendance qui, d’ailleurs, resteront à nommer de façon aussi imagée et percutante. Je compte sur vous.

Et réglons donc tout de suite le cas  de la  moins heureuse de ces tendances, représentée par le message intitulé «Man’s last stand», pour la Dodge Charger, par l’agence Wieden & Kennedy:

Aaargh… Quel terme résumerait le mieux cette nouvelle race de dominés passifs-agressifs frustrés? Quoique, à bien y penser, il n’y a pas tant de nouveau dans ce portrait du «bon gars» qui ravale sa frustation à longueur de jour, en se gardant UN exutoire majeur. Transposé à l’échelle québécoise, c’est le classique «grand parleur/grand buveur à la taverne, mouton à la maison face à sa Germaine». Un pattern qui, d’après ce qu’on voit, est loin d’être uniquement québécois… Et ici, l’exutoire, c’est le  «char».  À noter quand même, quelques nouveau clichés, supposés donner une touche actuelle.  Entre autres: «je vais séparer le recyclage» (je ne savais pas que les préoccupations environnementales avaient un sexe); «je vais regarder tes shows de vampires avec toi» (ça, ce n’est pas la première allusion que je vois: les filles sont maintenant supposées, par définition, «tripper» sur les shows et les films de vampire; une autre raison pour moi de me sentir à part du reste de l’humanité). Mais les vieux classiques sont encore là: «je vais mettre mes chaussettes dans le panier à lavage» (C’est supposé être un acte d’abnégation ?? Par pitié, messieurs, dites-moi que ce n’est pas vrai. C’était pour votre père. Et encore…) Il y a aussi le déconcertant «Je vais poireauter pendant 2 heures en réunion»: en quoi est-ce la faute de sa femme?

Ceci dit, on voit se profiler, derrière cette  litanie masculine, un portrait assez peu réjouissant d’un certain type de femme; une sorte d’amalgame entre la « Germaine » d’autrefois et la conjointe «superwoman» du nono des années 80-90. Une espèce de «control freak» qui arrive à justifier ses aberrations avec des discours figés sur le féminisme et la conscience sociale . Aargh…  À bien y penser, je n’ai envie de rencontrer AUCUNE des moitiés de ce  couple.

Ouf. Assez avec ceux-ci. Passons à l’heureux contraste offert par ce message, par Ogilvy & Mather, pour lancer  la ligne « pour hommes » de Dove, et qui résume, avec charme et d’humour, les grandeurs et misères de la masculinité:

Voilà une parfaite synthèse d’un nouveau type d’homme: c’est le métrosexuel, une fois marié et devenu père de famille. Qui a un côté « homme rose », mais pas trop (en tout cas pas au détriment de son côté viril), à l’aise dans ses divers rôles, et, comme le souligne le message, assez « bien dans sa peau » pour oser afficher qu’il en prend soin. Et non, on n’ imagine pas un tel gars, dans un commercial, faire le nono face à sa femme.

Et pour couronner le tout, comment faire plus « 2010 » qu’avec Google ? Et, difficile de trouver un message plus « tendance » que ce « Parisian Love« :

Tout y est: la fraîcheur, l’ouverture sur l’ international, la romance et l’aventure… Le tout se terminant par un mariage – et un bébé – interculturels. Certains ont noté, avec justesse, que c’était peut-être un peu trop dense et « songé » pour une diffusion dans un contexte comme le SuperBowl. C’est là que l’on voit toute la beauté des visionnements répétés que permet internet. Plein de petits détails, tous plus «actuels» les uns que les autres, nous frappent après-coup. Exemple: la phrase que Google doit traduire est «Tu es très mignon» (et non «mignonne»); on comprend que c’est la jeune Française qui a fait les premiers pas.

Puis, la recherche «long distance relationship advice» esquissée par le jeune Américain, est plutôt remplacée par «jobs in Paris». Donc, en plus de dire adieu à l’homme-cornichon, serait-on en train d’évacuer «l’homme-qui-a-peur-de-l’engagement», sujet si cher aux magazines féminins depuis des décennies ?

Alors voilà. Bien sûr, selon le scénario habituel, cela peut prendre quelques années, avant que ces tendances nées ailleurs se développent pleinement ici. Et reste à voir lesquelles prendront le dessus. Mais, comme on dit en anglais: «You read it here first».

  1. Jean-Jacques Stréliski

    Bonjour Marie-Claude (en passant). Tu me vois ravi de ce net progrès. Tel Cromagnon, l’homme-cornichon se voit donc lui aussi soumis aux lois de l’évolution darwinienne. Et c’est heureux. Mais nous savons également que toute forme d’évolution est extrêmement lente donc, même si les premiers signes se sont manifestés aux USA lors du Superbowl, l’espèce homocucurbitacée n’en est pas pour autant éteinte au Québec! Comme tu sais, les clichés ont la peau dure par chez nous. Encore merci de ce bon papier.
    JJS

  2. Most Tweeted Articles by Quebec Experts - pingback on 12 février 2010 at 6 h 32 min
  3. Marie-Claude,

    Excellente observation et commentaires très justes.

    Merci.

    Sylvain Desrochers
    Certificat de publicité
    Université de Montréal

  4. Veille LIMITE de — Agence LIMITE le blog - pingback on 22 février 2010 at 7 h 06 min

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