Statistique Canada, controverse et cynisme

J’avais en tête pas mal de sujets plus légers et moins arides à aborder en revenant de vacances. J’y reviendrai sûrement, et ça ne tardera pas, mais je ne peux pas m’empêcher d’écrire quelques mots au sujet des changements que le gouvernement Harper veut amener à la collecte des informations recueillies pour le recensement (il veut abolir l’obligation, pour les citoyens, de fournir certains renseignements), et qui a entraîné la démission du grand patron de  Statistique Canada, Munir Sheikh. Et oui, il y a dans cet enjeu des conséquences directes pour le domaine des communications et du marketing.

La plupart d’entre vous, j’imagine, sont déjà au courant des grandes lignes, étant donné les répercussions dans les médias de cette controverse. En bref:  le gouvernement Harper veut, à partir du recensement de 2011, abolir le « questionnaire long », envoyé pour l’instant à un ménage canadien sur cinq. Les gens qui reçoivent ce questionnaire, avec des questions plus détaillées sur une multitude de sujets dont la santé, la religion, l’origine ethnique, la langue d’usage à la maison, le logement, le revenu de la famille, le niveau de scolarité, etc., sont pour l’instant tenus d’y répondre. À cause de sa rigueur, liée en bonne partie à cette obligation de répondre, la base de données dérivées de ce questionnaire est une source d’information inestimable, autant pour des parlementaires, des chercheurs dans des domaines qui vont des secteurs sociaux et médicaux jusqu’à l’économie, une multitudes d’organismes communautaires… et aussi des entreprises, à commencer par celles liés à la recherche et aux communications.

De multiples chroniqueurs et éditoralistes ont déjà dénoncé le caractère bêtement idéologique et les conséquence désastreuses de ce projet, que ce soit, pour n’en citer que quelques-uns André Pratte dans La Presse, Josée Legault dans le journal Voir, Valérie Dufour sur RueFrontenacl’équipe éditoriale du Globe and Mail de même que, dans ce même journal, le réputé chroniqueur politique Jeffrey Simpson.

La propension de ce gouvernement, déjà largement dénoncée, à tout subordonner à l’idéologie devient de plus en plus flagrante. Dans ce cas-ci, c’est l’aversion, poussée à l’absurde, à tout ce qui est vu comme un rôle « trop poussé » de l’État. Et, ce qui est particulièrement révoltant, c’est le cynisme absolu qui sous-tend ses façons de faire. Ici, c’est une décision qu’on a tenté de passer en douce au coeur de l’été, en espérant s’en tirer à bon compte: qui peut croire que les gens descendront dans la rue pour manifester sur une question de statistiques ?

Heureusement, le sujet semble prendre de l’ampleur à la faveur, justement, du vide estival dans l’actualité. Pour tous ceux dont le travail dépend de la crédibilité des données statistiques, c’est un outil crucial dont la fiabilité est maintenant menacée. En effet, si un questionnaire qui était, depuis des années, rempli sur une base obligatoire, l’est désormais sur une base volontaire, on perd une bonne partie des aspects qui en font la valeur, à commencer par la possibilité des comparer l’évolution de différents phénomènes d’une année sur l’autre.

Alors, espérons que, dans le milieu des affaires, les gens concernés par les répercussions en recherche et en marketing ajouteront leur poids aux protestations soulevées par ce projet, pour pousser le gouvernement à renverser la vapeur.

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