Free, de Chris Anderson : duel de gourous et histoire de plagiat

Chris Anderson

Free, de Chris Anderson, fait beaucoup parler... mais pas forcément pour les raisons souhaitées

C’était un des livres les plus attendus de l’année: Free, de Chris Anderson, qui se veut en quelque sorte une suite à son best-seller The Long Tail (La longue traîne). Et, oui, depuis sa parution, ces derniers jours, le livre a beaucoup fait parler, pour diverses raisons. Mais ce ne sont sans doute pas toutes celles qu’aurait souhaité l’auteur… En fait, il y a tellement à dire que ce billet n’est probablement que le premier d’une série à y être liés. Et les sujets à débats et commentaires ne devraient pas manquer non plus.

Allons-y donc. Et, je le dis tout de suite, j’ai gardé le meilleur pour la fin.

Donc, premièrement, la parution de Free donne lieu, dans l’espace public, médiatique et « blogosphérique », à un duel de gourous comme on n’en a pas vu beaucoup. Et – au diable la modestie corporative –  je me permets de souligner que les principales têtes d’affiches impliquées ont toutes déjà été au programme de Journées-conférences Infopresse.  Il y a donc, dans un premier temps, Malcolm Gladwell (auteur entre autres de The Tipping Point, Blink et Outliers) qui, dans le cadre d’ une critique parue dans le New Yorker, « fait la job » aux propos de Anderson. Lequel, on l’aura compris, prévoit un essor encore plus important de la gratuité, en particulier pour les produits de culture et d’information. Et puis, il y a Seth Godin, (consultant émérite, blogueur émérite, et auteur de best-sellers trop nombreux pour les lister ici), qui, lui, défend le propos de Free, dans un billet éloquemment intitulé Malcolm is wrong. Dans lequel il dit entre autres « Chris’s new book, (is) going to be wildly misunderstood and widely argued about. » Sur le « widely argued about », sa prédiction semble déjà se réaliser : il n’y a qu’à voir, à titre d’échantillon, cette critique dans The Economist, et celle-ci dans dans The New York Times. (Et, pour la petite histoire, la critique du New York Times se fait largement ramasser aussi, entre autres dans Business Week.)

Fatigué du « bitchage » autour du sujet ? Attendez, vous n’avez rien vu.

Car, ce qui a d’abord généré du « buzz » autour de Free, c’est le fait que Anderson a repris, à divers endroits, de larges extraits de Wikipedia, sans en citer le crédit. Ouch… C’est le Virginia Quarterly Review qui a attaché le grelot. Les articles qui ont suivi dans les blogues et les médias sont trop nombreux pour être tous cités. Signalons que les articles de The blog herald et de Fast Company  font partie de ceux qui valent le détour. En français, sur le blog de Pierre Assouline  dans Le Monde, et sur Silicon.fr, on ne s’est pas ennuyé non plus… Évidemment, on ne s’est pas privé d’ironiser sur le fait que Anderson a peut-être appliqué un peu trop bien son propre raisonnement. Anderson, c’est tout à son honneur, a répondu et fourni des explications, qui ont trait, en gros, aux politiques d’attribution et de notes en bas de page, qui avaient fait l’objet de discussions complexes avec son éditeur, et de changements de dernière minute. Explications que plusieurs, ceci dit, ont  jugées un peu faibles…

Quelques réflexions rapides. Premièrement, – et oui, j’ai un peu honte de l’avouer – en lisant ça, j’ai d’abord éprouvé une sorte de soulagement fugitif. En voyant que même ce gourou apparement doté d’une capacité de réflexion et de travail surhumaines s’est finalement rabattu sur les mêmes moyens que ceux utilisés par nous tous. Puis, assez vite, de la déception.., par rapport au fait qu’il ait entaché aussi bêtement sa réputation et la crédibilité de son travail. D’autant plus qu’il existe des conventions pour créditer, de façon simple et crédible, divers types de sources, y compris Wikipedia. Il en est question entre autres ici.

Ceci dit, je vais quand même prendre le temps de lire le livre. Et tout ça relance, de façon encore plus brûlante qu’on l’aurait cru, la discussion sur la gratuité.

  1. Chris Anderson answers questions from Deborah Solomon in today’s NYT Magazine:
    Question: « You were recently accused of plagiarizing numerous passages of your book from Wikipedia, and I am wondering if you see plagiarizing as a extension of your freebie thesis? »
    Answer: « I wish I could explain all my actions as being intellectually consistent, but this one is just plain old sloppiness. »
    OK, now we can all move on. And the guru will go on giving speeches even with his (long) tail slightly between his legs. (Couldn’t resist this one.)

  2. Cela me fait réfléchir à la question de la propriété intellectuelle, comme le web donne l’illusion que les idées sont toutes libres de droit et « gratuites ». Beaucoup de « gourous » s’inspirent librement de tout ce qu’ils ramassent sur le Net pour faire des conférences, nourrir leur culte et souvent cueillent leurs idées à même les blogues d’influenceurs plus discrets.

    Élaborer une théorie sur une idée émise par autrui est éthique (surtout si on dit qui nous a inspiré), mais « copier » littéralement les idées des autres pour se faire un « patchwork » qu’on dit être sien relève de la malhonnêteté.

    À force d’écrire des livres à la bourre, pour ajouter des faits d’armes à leur profil, certains « gourous » perdront peut-être de leur lustre.

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