Bye bye 2013, controverse… et blackface??

Suite au dernier Bye bye, il y a encore eu des anglophones pour sauter au plafond, en criant au racisme pour cause de blackface. Et plein de francophones pour se gratter la tête, en ne comprenant toujours pas de quoi il est question au juste…

Gregory-Charles-bye-byeLe Bye bye télévisé de la fin de l’année suscite chaque fois son avalanche de commentaires, et fait rarement l’unanimité.  Mais chez les téléspectateurs anglophones se déroule un débat qu’on ne soupçonne même  pas du côté francophone.(Première chose d’ailleurs : eh oui, il y a bel et bien des anglophones qui regardent le Bye Bye! J’y reviendrai.)  La controverse tourne autour du sketch qui parodiait Le choc des générations  (rebaptisé «Le choc de la transpiration»), et dans lequel Joël Legendre imitait l’animateur Gregory Charles.  « Du « blackface » dans un sketch, quelle honte! », a-t-on pu lire dans de nombreux commentaires sur Facebook et Twitter.

Un débat qui fait écho à celui qui avait fait rage au printemps dernier, après que, au gala des Olivier, l’humoriste Mario Jean ait parodié l’humoriste et animateur Boucar Diouf.  Une blogueuse montréalaise avait alors crié au racisme en dénonçant ce recours au blackfacedans un billet publié en anglais sur le Huffington Post Canada. Ce qui avait eu comme conséquence, entre autres, de faire découvrir le terme  « blackface » aux Québécois : un terme qui désigne le fait, pour un comédien blanc, de se noircir le visage, afin de se moquer des noirs. Mais la conséquence première du billet de cette Nadya Dauphin avait été de déchaîner les commentaires de chroniqueurs qui criaient à l’incompréhension totale, et même au Québec bashing. Pour un tour d’horizon complet, une recherche Google avec le terme Blackface Québec controverse vous renseignera….

Pour l’instant, suite au Bye bye, le débat se cantonne aux médias sociaux. Mais, de toute évidence, les points de vue n’ont pas changé de part et d’autre. On a, d’un côté, des anglophones outrés de voir un comédien blanc se colorer le visage en noir. Et, de l’autre, des francophones qui ne comprennent absolument rien à cette indignation : Gregory Charles, est noir! Comment le parodier en faisant autrement? Il aurait fallu trouver un comédien noir pour ça, rétorque-t-on… Pouvez-vous le croire ?

Quand même, attendons un peu avant de avant de traiter nos concitoyens anglos de crétins politically correct finis. Et continuez de lire, je vais essayer de vous expliquer. On a sûrement ici un des exemples les plus probants du genre de différence qui peut exister entre nos deux solitudes.

Qu’est-ce au juste que toute cette histoire de blackface ?

C’est une pratique qui, aux États-Unis, remonte juste après l’abolition de l’esclavage: des comédiens et chanteurs blancs

personnifiaient des noirs de façon très stéréotypée… et de façon, aussi, à les ridiculiser. Pour en savoir un peu plus, je vous conseille d’aller voir ce site web.  Désolée, je n’ai pas trouvé d’équivalent en français. La référence Wikipédia en français l’explique un peu, mais ne permet pas bien de saisir tout l’aspect controversé.

Le blackface, donc, aux États-Unis, c’est assimilé à une manifestation de racisme crasse et inacceptable. Dans les médias, c’est un tabou absolu, une chose qu’on ne devrait même pas songer à faire. Parce qu’on touche ici, et de façon très profonde, à tout un historique et tout un bagage culturel aux États-Unis.

Un bagage et des références qui n’ont pas la même résonnance ici. Et quand je dis « ici », ce n’est pas juste au Québec, mais au Canada dans l’ensemble. Pas parce qu’il n’y a pas de tensions raciales ici: il y en a, comme partout ailleurs. Mais le clivage

entre les blancs et les noirs n’est pas le même. On n’a pas le même historique avec l’esclavage, puis le ségrégationnisme institutionnalisé, tel qu’il a existé aux États-Unis. Il y a toute une série de notions culturelles liées à cela, qu’on ne soupçonne même pas au Québec, mais qui ont fini par faire leur chemin au Canada anglais, où il n’y a pas la même barrière de culture et de langue.

Je le sais, bien des Canadiens anglais haïssent se faire pointer du doigt le fait qu’ils sont davantage influencés que les francophones par la culture et les médias américains. Mais dans ce cas-ci, c’est exactement ce qui se passe: à force d’être davantage immergés dans la culture médiatique américaine, ils ont davantage intégré ce tabou du blackface. Tabou qui laisse les Québécois francophone perplexes…

Et vous savez quoi ? C’est une chose qui ne devrait surtout pas changer. On se sent autorisés à rire de Gregory Charles, Boucar Diouf ou Normand Brathwaite, de la même façon qu’on va se payer la tête de Véronique Cloutier, Denise Filiatrault ou Jean-Pierre Ferland. C’est sans doute difficile à comprendre pour quelqu’un qui arrive avec un regard extérieur, mais on pourrait dire que des artistes comme Brathwaite ou Gregory

Charles, aux yeux de la plupart des gens, n’ont plus de couleur : ils font tous partie de « nos » vedettes. Un comédien qui se maquille en noir pour personnifier Gregory Charles n’est donc pas plus offensant qu’une imitatrice de Véronique Cloutier avec une perruque blonde.

Et c’est très bien comme ça.

Bien sûr, c’est une bonne chose qu’on devienne tous plus éduqués sur toute cette réalité autour du blackface et des tensions raciales…  Mais on ne gagnerait rien en intégrant à notre tour ce nouveau tabou.

Dans ce cas-ci, ce sont les anglos qui ont un bout de chemin à faire, afin de comprendre un peu mieux la dynamique des médias et du star-system québécois… Une dynamique qui – pourquoi pas – se révèle d’ailleurs un puissant outil d’intégration.

Comme je le disais au début, la bonne surprise dans tout ça, c’est que davantage d’anglos semblent s’intéresser à notre culture et à nos médias. Mais maintenant, il leur reste à faire encore plus d’efforts, pour comprendre ce qui s’y passe vraiment…

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