L’exotisme est mort, vive l’authenticité! Ou: pourquoi il est futile de combattre Airbnb

Tous les ministères du Tourisme au monde, toutes les associations de propriétaires d’hôtels et de gîtes, sont aussi bien de se faire à l’idée : des phénomènes comme Airbnb, plateforme internet qui permet à des particuliers de louer leur maison, leur appartement, ou même une chambre, ne vont que croître et se multiplier. Pas seulement parce qu’internet rend tout cela incroyablement facile, et que beaucoup y trouvent leur compte économiquement. Mais parce que leur offre vient combler LE besoin qui émerge maintenant en matière de voyage.

Airbnb Travel like a human

Un des avantages – rarement discuté – mis de l’avant par Airbnb: voyager autrement qu’en simple touriste.

Car en effet, pourquoi voyage–t-on? Pour beaucoup, ce n’est plus pour chercher le repos en se dépaysant un peu : c’est d’abord pour vivre une expérience hors du commun, s’éloigner le plus possible de la vie de tous les jours, et, surtout, se distinguer par rapport à ses amis, sa famille, ses collègues…

Bien sûr, ce n’est pas d’hier que les voyages servent à se distinguer. Au début, pour y arriver, c’était relativement simple : il suffisait d’être riche. L’Orient-Express à sa grande époque était l’apanage des aristocrates et des riches hommes d’affaires. Et le tourisme « de masse » des débuts n’avait, en fait, pas grand-chose de démocratique : ce n’est pas tout le monde qui faisait affaire avec l’agence Thomas Cook… Idem pour l’avion, qui a longtemps conservé un parfum d’élite, comme en a témoigné la série télévisée Pan-Am et les commentaires nostalgiques qu’elle a suscités.

Puis, même quand les prix ont baissé, les voyages sont demeurés un moyen de se distinguer : plus forcément comme indice de richesse, mais comme badges d’audace et d’originalité. Maintenant, même cet aspect est en train de disparaître. Quantités de destinations vues comme très exotiques il n’y a pas si longtemps (la Chine, l’Indonésie, l’Argentine, l’Afrique du Sud) deviennent presque banales. Et il n’y a plus vraiment de barrière aux périples inusités que l’on peut faire. Des « treks » au Népal ? En Ouganda ? L’escalade du Kilimandjaro ?  Une traversée du désert ? De la randonnée au Kazakhstan ? Bien sûr, ce n’est pas forcément pour tout le monde. Mais cela fait maintenant partie des options. Et des agences rivalisent dans le créneau du « voyage d’aventure » pour vous organiser cela.

Exit, donc, l’exotisme comme attrait suprême. Où les voyageurs vont-ils transposer leurs quêtes ?

La dernière frontière, c’est l’authenticité. Bien sûr, cela non plus n’est pas entièrement nouveau : on recherche depuis longtemps l’expérience la moins « packagée » possible, et la moins contaminée par tout ce qui entoure la dynamique touristique. Mais maintenant, l’authenticité n’est plus forcément liée à l’exotisme. Elle prend une autre saveur. Une expérience « authentique » n’a plus besoin de se vivre chez une peuplade d’un village au fin fond de la forêt en Asie du Sud-Est… Ce peut aussi être de vivre, à New York, Barcelone, Rio ou Tokyo, comme y vivent ses habitants, en demeurant dans un appartement et en allant au marché. En ayant des échanges plus « vrais » et plus personnels avec les gens de la place.

C’est précisément un des points que soulignent les utilisateurs de Airbnb, tant ceux qui hébergent que ceux qui sont hébergés : la diversité et l’intérêt des échanges. C’est pour cela que l’on ne peut pas traiter les locateurs des Airbnb de ce monde comme des sortes d’ « hôteliers-pirates », venant torpiller une offre qui existe déjà. Ils arrivent avec une autre offre, qui comble de nouveaux besoins.

Ce billet a d’abord été publié comme chronique dans l’édition de juillet-août du magazine Infopresse.

Et puis, justement aujourd’hui, je tombe sur ce très intéressant billet (en anglais) publié sur le blog de Frédéric Gonzalo, et qui recoupe le même sujet, en l’abordant sous un angle différent.

Et d’ailleurs, y en a-t-il parmi vous qui ont eu recours à Airbnb, ou encore VRBO, ou d’autres sites du genre? Qu’avez-vous de particulier à en dire ?

  1. Salut Marie-Claude,
    Nous avons effectivement communion d’esprit ce weekend avec ton billet aujourd’hui et le mien hier, portant à peu de choses près sur le même sujet. Comme tu le dis, nous n’avons pas abordé le tout sous le même angle, mais il n’en demeure pas moins que les plateformes à la AirBnB marque une manière différente de vivre le voyage, ce qui affecte autant le touriste que l’industrie du voyage qui doit se remettre en question…

  2. Les Airbnb de ce monde bouleversent indéniablement le modèle d’affaires de l’industrie touristique à travers la planète. Les textes de Frédéric et d’autres spécialistes sur l’etourisme démontrent sans cesse l’importance pour l’industrie de s’adapter à cette nouvelle réalité.

    Tous les secteurs d’activités touristiques sont touchés, des hôteliers aux organisations de la gestion de la destination (OGD ou DMO en anglais) en passant par les événements et attraits, tous sans exception.

    L’impact de l’évolution de l’etourisme sur notre industrie est un élément central sur la nécessité de revoir le modèle de gouvernance au sein de l’industrie touristique.

  3. J’ai découvert Airbnb tout à fait par hasard en naviguant sur le Web,désespérée de ne pas trouver un hébergement qui m’aurait permis de passer 4 jours dans la région du Lac St-Jean avec ma famille – conjoint et 3 enfants à un coût raisonnable. Classe moyenne oblige, nous sommes toujours à la recherche du meilleur rapport qualité-prix possible et ce qui fait notre bonheur en voyage, c’est de dénicher un hébergement avec cuisinette. Inutile de vous dire que trois repas par jour à 5, ça monte vite $$$. Grâce à Airbnb, nous avons pu demeurer dans un vaste appartement 3 chambres, grande cuisine, grand salon, à prix plus qu’abordable. Nous n’avions qu’à apporter effets personnels et nourriture. Nous pourrons donc nous permettre de faire quelques autres sorties pendant les vacances d’été !

  4. Bonjour,
    Le succès d’Airbnb est un indicateur sur la montée en puissance de l’économie collaborative. Récemment, Airbnb a commandé une étude sur les retombées économiques sur la ville de Paris. J’en traite modestement dans cet article : http://www.etourisme.info/la-location-de-vacances-2-0-comme-vecteur-de-croissance-de-lactivite-economique-locale/

  5. Marie-Claude Ducas

    Merci.
    Il y a quelques mois, The Economist avait publié un dossier sur tout ce phénomène de ce qu’ils appelaient « The sharing economy », je ne sais pas si vous l’aviez vu.

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