Connaître ou ne pas connaître Marie-Mai…

Tel est le genre de question que, on dirait, on sent le besoin de poser périodiquement à « nos » Anglos: ah, savez-vous, au moins, qui est Marie-Mai ? (Ou tout autre artiste ou personnalité populaire chez nous). C’estce qu’on vient de faire dans le sondage dont Le Journal faisait état, ce lundi 21 octobre (en posant la même question pour diverses personnalités dont Guy A. Lepage, Jean-René Dufort, Rémi Girard, Ron Fournier et Pierre Bruneau).

marie-mai MC’est drôle d’ailleurs: cette histoire de méconnaissance de Marie-Mai avait déjà fait jaser dans les médias, il y a presque deux ans. Il faudra un jour expliquer cette émergence récente de Marie-Mai comme révélateur de la connaissance (ou non) qu’ont les Anglos de la culture québécoise..

Mais de toute façon, cela finit pas nous amener pas mal toujours aux mêmes conclusion: que « les Anglos » ont beau vivre ici depuis toujours, ils ne nous connaissent pas, notre culture leur est indifférente, la langue française ne les intéresse pas… Et tout cela parce que, en fin de compte, « ils » nous méprisent.Tel est le genre de question que, on dirait, on sent le besoin de poser périodiquement à « nos » Anglos: ah, savez-vous, au moins, qui est Marie-Mai ? (Ou tout autre artiste ou personnalité populaire chez nous). C’est

LA BEAUTÉ DES DEUX SOLITUDES

Dans de tels cas, je ne peux pas quand même m’empêcher de me demander, par exemple, combien de Québécois savaient vraiment qui est Alice Munro, quand on a appris qu’elle remportait le prix Nobel de littérature, Et je me pose la même question par rapport à d’autres icônes « Canadian« , de portées et d’horizons aussi divers que Gordon

Lightfoot. Robertson Davies, Peter Mansbridge, Farley Mowatt, Peter Gzowski, Billy Bishop… Ou même le groupe Blue Rodeo; ou une étoile montante comme le Montréalais Sam Roberts… D’ailleurs, c’est ce à quoi touche la suite du sondage, publiée ce 22 octobre. Mais ça, c’est un autre sujet. Et d’ailleurs j’y reviendrai.

Mais pour l’instant ce qui me frappe le plus, et me déconcerte depuis longtemps, c’est pourquoi cette co-existence à Montréal de ces fameuses « deux solitudes » semble énerver tant de monde. C’est peut-être étrange, mais pour moi, c’est tout le contraire. Je suis arrivée à Montréal après avoir grandi à l’extérieur, dans une région tout ce qu’il y a de plus homogène et francophone. Et, inscrite à une université anglophone, je me suis retrouvée plongée au coeur de la culture « anglo », à devoir assimiler, pas seulement la langue (je n’avais que mes bases apprises à l’école), mais surtout, tout un bagage culturel qui m’était étranger. Les journalistes, commentateurs, auteurs, etc. qu’on nous citait et nous proposait comme modèles et comme références n’étaient absolument pas ceux que je connaissais. Même des émissions comme les « sitcoms » dont les gens parlaient, dont ils tiraient des plaisanteries et des allusions, m’étaient inconnus.

J’ai dû me livrer à toutes sortes de rattrapages intensifs. Il fallait par exemple me faire une idée de la stature qu’avait quelqu’un comme Peter Gzowski au Canada anglais, avant de pouvoir décortiquer, comme on nous le demandait dans un de nos cours, pourquoi ses entrevues étaient des modèles… Et puis, je ne prétends pas avoir lu tant que ça les « grands » auteurs canadiens anglais, mais j’en ai appris assez pour pouvoir « faker » de façon convenable dans les conversations. (Et cela d’ailleurs à une époque où ni Google, ni Wikipédia n’existaient…)

DEUX VILLES POUR LE PRIX D’UNE

Pour les gens que je fréquentais à l’université, Montréal était différent aussi: ce n’étaient pas les mêmes repères, pas les mêmes références…  J’ai découvrir un autre Montréal, qui existait comme en parallèle avec celui que je connaissais. Et dont je ne connaissais pas grand chose. Olivier Jones, avant qu’il devienne connu internationalement, jouait au bar Biddle’s du centre-ville. Il était déjà une sorte de vedette locale, alors que chez les francophones, seuls les initiés ultra-férus en jazz le connaissaient. Il y avait toute l’histoire rattachée à La Petit Bourgogne, à Griffintown, aux Irlandais de Pointe-St-Charles… En fait, tous les quartiers que j’avais l’impression de connaître pouvaient soudain prendre une autre allure.

Sans compter tout ce qui était rattaché à l’histoire et la culture de la communauté juive à Montréal. J’avais lu, plusieurs années auparavant, Les Chroniques du Plateau-Mont-Royal de Michel Tremblay. Et, en lisant les romans de Mordecai Richler, qui se passaient pratiquement dans le même quartier ou à quelques rues de là, c’était comme plonger sous l’eau d’un lac, après n’en avoir vu que la surface. Ou arriver à entrer dans un miroir, et s’apercevoir qu’il y a quelque chose de l’autre côté: comment tout cela a-t-il pu exister tout ce temps-là, sans même qu’on s’en aperçoive? Qu’est-ce que tout cet univers qu’on ne soupçonne même pas?

Alors oui, on a le réflexe d’être énervé, en constatant que nos concitoyens connaissent si mal ce qui nous importe et nous fait vibrer. Mais en même temps, l’inverse en sans doute aussi vrai. Et puis, quand on y pense, c’est plus intéressant qu’autre chose. On passe notre temps à répéter que le bilinguisme de Montréal est un atout, on parle de nos universités anglophones, de l’intérêt que cela représente pour attirer ici des ressources, pour le tourisme, pour les affaires, etc. Mais c’est comme si on oubliait l’intérêt que cela peut représenter pour nous, qui y vivons, y travaillons, y sortons: on, a en quelque sorte, deux villes pour le prix d’une.

Laquelle des communautés va le mieux s’aviser d’en profiter?

Laisser un commentaire