Un médecin pour les employés : chez Google, on trouve ça génial; pour la RAMQ, on s’indigne

J’ai d’abord entendu cela à l’émission de Paul Arcand ce matin : les employés du siège social de la Régie de l’Assurance-maladie du Québec (RAMQ), à Québec ont à leur disposition les services d’un médecin et d’infirmières sur place. C’est Le Journal de Québec qui a « sorti » l’histoire, aussi reprise dans Le Journal de Montréal. Le médecin est là une fois par semaine, pour voir des employés qui auraient besoin de consulter pour un problème de santé : au lieu d’aller attendre dans une clinique (ce qui, on le sait, peut être long), on va au travail comme d’habitude, et on est appelé par le médecin à 15 minutes d’avis. Des infirmières sont aussi sur place 4 jours par semaine pour effectuer divers actes médicaux comme des prélèvements. Le porte-parole de la RAMQ mettait de l’avant les gains de productivité ainsi effectués. La première réaction de l’animateur, bien sûr, a été de s’indigner du fait que les fonctionnaires de la RAMQ aient ce priviliège,  alors que « le bon peuple, lui, perd une journée de travail » dès qu’il doit consulter un médecin.

C’est drôle : je me suis indignée moi aussi, mais dans le sens contraire : pourquoi, me demandais-je, n’y a-t-il pas plus de gens, dans plus d’organisations, qui ont le même avantage?

Le GooglePlex, à Mountain View, en Californie: pourquoi n'y a-t-il pas davantage d'entreprises pour se préoccuper, d'abord et avant tout, de ce que leurs employés soient bien ?

D’autant plus que, il n’y a même pas deux semaines, lors de la conférence C2-MTL,  j’avais entendu le Québécois d’origine Patrick Pichette, Chief Financial Officer (CFO) de Google, expliquer le fonctionnement et le mode de gestion en vigueur au fameux GooglePlex, le siege social de l’entreprise en Californie.  Les solutions imaginées vont jusqu’à l’implication de Google pour rendre plus efficace le système d’autobus de la région (utilisé par les employés pour se rendre au travail) afin  rendre le transport plus efficace et les autobus plus confortables… entre autres pour y travailler. «Au lieu d’arriver stressés d’avoir perdu du temps dans le trafic ou le transport en commun les gens arrivent en ayant,  mis à profit une heure à régler des affaires, soulignait Patrick Pichette. Et sur place, tout est fait, aussi pour faciliter la vie des employés : machines ‘a laver pour les vêtements pour ceux qui viennent travailler en vélo. Terrains d’exercices et terrain de beach volleyball pour permettre aux programmeurs de s’aérer l’esprit lorsqu’ils frappent un mur en travaillant sur un code… Et puis, très précisément, médecins sur place pour ceux qui en ont besoin. « C’est aberrant de perdre une demi-journée, ou même plus, parce qu’on doit se rendre chez le médecin », soulignait Patrick Pichette. Pour ceux et celles qui ont lu un tant soit peu sur « le modèle Google » et sur leur philosophie de gestion, il n’y a pas là de grande surprise.

Et maintenant, mettons cela en contraste avec les réactions suscitées par le reportage. Parmi les réactions de l’opposition politique, François Bonnardel, député de la Coalition Avenir Québec (CAQ), déplore le fait qu’il y a ainsi « deux classes de Québécois » et questionne: « Ça va être quoi si les autres ministères ou organismes demandent la même chose? C’est un avantage vis-à-vis des autres citoyens.» Dans le même page, le chroniqueur Michel Hébert crie à la « corruption de principe », en l’occurence le « principe d’égalité », qui est ainsi « foulé aux pieds ». Ceci dit, il faut aussi lui donner le crédit de poser la question:  » ce qui est bon (et faisable) pour la RAMQ ne devrait-il pas l’être pour tout le monde? »

Et justement, il me semble que c’est d’abord dans ce sens-là qu’on devrait aller. Se dire: que peut-on faire pour que plus d’organisations et d’entreprises prennent des initiatives semblables? Le tout, en prenant pour acquis qu’il y a, à la clé, des gains réels pour tout le monde. Et s’efforcer de quantifier ces gains. Il me semble que cela serait plus porteur que de taper sur ceux qui innovent un peu. Même si, en l’occurence, c’est une société d’État; et que ceux qui bénéficient de cette façon de faire sont perçu comme bénéficiant d’un « privilège » de l’État. Ne serait-il pas temps d’arriver en 2012 dans nos façons de réagir, et de réfléchir?

MAJ soir

En bien voilà: on apprenait en fin de journée que la RAMQ faisait marche arrière. «Bien qu’elle demeure convaincue du bien fondé des services médicaux rendus à ses employés par un médecin et deux infirmières, la RAMQ a décidé de mettre fin immédiatement à ces services compte tenu des réactions soulevées», a entre autres indiqué le porte-parole de la RAMQ. Eh bien voilà. S’agissait-il d’une initiative valable, qui aurait mérité d’être étendue ailleurs ? Ce n’est pas le cas de la RAMQ qui pourra nous l’apprendre. Et le Québec se portera-t-il mieux maintenant qu’on retirera ce « privilège » à ceux qui en bénéficiaient? Et pour qui c’était, peut-être, un incitatif à mieux travailler? Nivellement, quand tu nous tiens…

 

  1. Plein d’entreprises le font. Chez Rogers à Montréal, dans mon temps, il y avait un deal avec un cabinet du centre-ville. À Toronto c’était super: Ted Rogers mettait son physicien personnel à la disposition de tous les employés du siège. On parle de 15 000 personnes, 5 jours par semaine, sur place. En plus d’un autre médecin de garde car celui de Ted l’accompagnait dans ses voyages. Et des infirmières. Le bonheur total.

    Dans le cas de la RAMQ, c’est un problème de perception et tu sais mieux que quiconque à quel point les perceptions dominent les débats. Des employés de l’État ont accès à un service auquel la population n’a pas droit même si c’est elle qui paie pour. Dans le climat actuel, je comprends que ça choque.

  2. isabelle marechal

    tout à fait d’accord. On s’insurge sur tout désormais, même sur les bonnes idées. Plus moyen de bouger! Je traite justement du sujet lundi 11 juin à mon émisison du 98,5Fm. Pouequoi pas un médecin au bureau?

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