Steve Jobs: l’endroit, l’envers et l’héritage

Donc, selon le FBI, Steve Jobs était irascible, autoritaire, et  « avait tendance à déformer la réalité ». La biographie que lui consacrait Walter Isaacson, publiée peu après sa mort, nous révèle le comportement épouvantable qu’il pouvait avoir, tant à l’égard de collègues que de proches. Être un patron génial, et changer le monde, est-il à ce prix? Voici la chronique que j’avais rédigée pour Infopresse, peu après sa mort.

Steve Jobs
Steve Jobs: les changements qu’il a apportés sont devenus si évidents que l’on oublie à quel point ils étaient révolutionnaires…

À la tête d’Apple, Steve Jobs aura transformé à la fois notre accès à la technologie et son utilisation, la façon de concevoir des produits et de les mettre en marché, celle de créer une entreprise et celle d’exercer le leadership. En fait, les changements qu’il a introduits sont si omniprésents et ont tellement pénétré les façons de faire et de penser, que l’on oublie à quel point ils étaient révolutionnaires.

Les entreprises sont en train, les unes après les autres, d’adopter comme credo le principe de la transparence, le rôle crucial d’une bonne expérience à tous les niveaux pour les consommateurs, le fait que le produit doit parler de lui-même, que les meilleures relations publiques sont faites par les fans… Tout ce qui s’impose maintenant avec la montée des médias sociaux faisait partie de l’ADN d’Apple depuis ses débuts. Steve Jobs déclarait, dès 1985, dans une entrevue au magazine Playboy : « Apple met toujours les projecteurs sur les produits parce que ce sont les produits qui font vraiment la différence. Notre concurrence a besoin de faire des campagnes publicitaires : il y a des pubs pour IBM partout. Mais les bonnes relations publiques informent et éduquent ; c’est tout ce qui compte. Vous ne pouvez pas flouer les gens. Les produits parlent d’eux-mêmes. »

Pour cela, Apple, avec Steve Jobs à sa tête, a fait sauter des barrières, dont on a même oublié qu’elles aient pu être des barrières. Personne n’avait eu l’idée de revendiquer le fait que la technologie soit simple et agréable à utiliser. L’équation faite par Apple entre technologie et séduction continue d’avoir des répercussions sur nos façons de travailler, d’être à la fois mobiles, flexibles et efficaces, d’être connectés les uns aux autres, d’accéder à l’information et à la culture.

Ce lien entre technologie et culture est d’ailleurs une autre révolution introduite par Apple. Avec le design d’abord, que Steve Jobs plaçait au centre de tout. Aujourd’hui, l’idée que le design fait partie de l’utilité des objets devient une évidence. Mais au milieu des années 80, le design était encore vu comme un à-côté un peu futile. Apple, toujours en partant du sacro-saint principe de simplicité d’utilisation, a aussi intimement lié la technologie à la consommation des contenus, avec le iTune Store, puis le AppStore. Qui aurait imaginé qu’un constructeur d’ordinateurs serait devenu un distributeur majeur de contenus culturels ?

Enfin, Jobs a contribué à transformer les idées liées au leadership et à l’entrepreneurship. Avant lui, quel dirigeant de grande entreprise se promenait en col roulé et en jeans ? Banal aujourd’hui, mais pas dans les années 80. Et cela va bien au-delà de l’image et de la coquetterie : Soyez vous-même, disait-il ; ne laissez pas les opinions extérieures, les préjugés, les idées reçues vous faire perdre de vue ce qui est essentiel pour vous. « Se souvenir que l’on va mourir un jour est la meilleure façon que j’aie trouvée pour faire les choix vraiment importants, disait-il dans son discours de 2005 aux étudiants de Stanford, l’un des plus cités juste après sa mort. Ayez le courage de suivre votre coeur et votre intuition : ils indiquent déjà ce que vous voulez vraiment devenir. » Il n’a bien sûr pas été seul, mais Steve Jobs a préfiguré ce qui émerge aujourd’hui, du côté des entreprises, dans les façons de gérer et du côté des individus, d’envisager la vie et le travail.

  1. J’ai lu la bio de Steve Jobs. Je me suis aussi dit « faut-il etre complètement extravagant et déraisonnable pour être un génie ? ». Au final, j’ai retenu qu’il était seulement motivé à changer le monde, pas à faire de l’argent. Dans les entreprises publiques où les actionnaires veulent des bonnes nouvelles aux trois mois, ça prend effectivement un caractère hors du commun pour faire taire tous les requins qui eux, veulent faire de l’argent.

  2. Steve Jobs: l'endroit, l'envers et l'hér... - pingback on 30 novembre 2013 at 5 h 51 min
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