Se réconcilie-t-on finalement avec l’hiver (maintenant qu’on est peut-être en train de le perdre)?

Voilà un bon mois, alors que le Festival Montréal en Lumières battait son plein, que j’avais le sujet en tête, sans trouver le temps de m’y attarder. Le Red Bull Crashed Ice, tenu le week-end dernier dans des circonstances difficiles à Québec me l’a remis en tête, et le printemps qui arrive tout juste fait office de « last-call » : si je n’en parle pas maintenant, je devrai attendre des mois. Le « Spécial Hiver», que vient tout juste de publier Urbania dans le cadre de son numéro de printemps (!) me conforte dans ma décision. Et de toute façon, je vais me retrouver ce soir en compagnie de quelqu’un d’aussi éminent que Serge Bouchard,  à l’émission Ici et Là au Canal Vox, où, là aussi, on accueille le printemps en posant la question : les Québécois haïssent-ils encore l’hiver?

Urbania spécial hiver

Couverture du numéro de printemps du magazine Urbania, consacré à l'hiver québécois

Donc, il y a tout juste un mois, la 13ième édition du festival Montréal en lumière battait son plein. « Bravo, me disais-je, mais pourquoi cela nous a-t-il pris tout ce temps avant d’avoir un « vrai » festival d’hiver? » Quand on y pense, cela apparaît comme l’évidence même, pour une ville de cette taille, et où l’hiver joue un rôle tellement central… Sans parler du fait que l’on a inauguré, sur l’île Notre-Dame, le Village des Neiges, formule importée ici par des promoteurs à partir d’un concept imaginé en Norvège…., et qui comprend un Hôtel de Glace, quelques années après celui ouvert dans la région de Québec. Et puis, un mois avant cela, dans le Vieux-Montréal, on voyait déferler de joyeuses bandes emmitouflées, en route vers l’Igloofest, cette série de concerts hivernaux qui, depuis trois ans, se déroulent sur les Quais du Vieux-Port.

Enfin, enfin, me disais-je peut-être finissons-nous par nous réconcilier avec cet hiver qui est une de nos caractéristiques fondamentale… Mais pourquoi l’avoir tellement haï, à supposer d’ailleurs que nous ayons vraiment fini de l’haïr?

À mon avis, il y a là deux éléments.

Britain Ad Tourism

Une des publicités qui ont fait le succès du tourisme au Royaume-Uni. Réaction des britanniques à l'époque: "Ah non, nous sommes un pays moderne, montrez plutôt nos industries..."

Le premier a trait à l’hiver lui-même. Et  le fait que, oui, il fait froid, il fait noir longtemps, on peut se retrouver gelé, transi par le vent, les pieds mouillés par la sloche, rester pris en auto dans un banc de neige, et que tout ça peut être royalement emmerdant. Et puis que, ceci dit,  on se rend compte que, au Québec comme d’ailleurs à bien d’autres endroits au Canada, on n’a jamais vraiment  appris à composer avec l’hiver, jamais appris à composer avec notre « nordicité ». Et d’autres endroits, par exemple en Scandinavie, pourraient nous fournir des leçons. Il en est entre autres question dans le spécial d’Urbania.

Mais il y a aussi, autre chose, je crois. Et là, nous sommes loin d’être uniques dans notre cas : c’est tout simplement le fait que, partout dans le monde, on apprécie mal ce que l’on voit tous les jours.  Québec commence juste à vraiment se positionner sur le tourisme hivernal; Montréal aussi. Et c’est assez récent que l’on voie des « packages » à l’intention des touristes,  qui mettent de l’avant, hors des villes, des activités typiquement hivernales : randonnées en motoneige, en traîneau à chiens, raquette, etc.  Pourquoi avoir mis tout ce temps? Et même, avoir si lontemps ri des Américains qui débarquaient chez nous intrigués par le froid et la nature « sauvage », et des Européens excités par nos « grands espaces »?

J’avais déjà effleuré cette question par le passé: on est très mauvais juges quand  vient le temps d’évaluer ce qui est susceptible d’attirer ici des touristes étrangers, et de les intéresser.  Tout récemment, je relisais sur l’histoire d’une des grandes campagnes dans l’histoire de la publicité touristique : celle faite au début des années soixante pour l’Office du Tourisme britannique dans le marché des États-Unis. Qu’est-ce qui, selon la recherche, faisait saliver les touristes, et qu’est-ce que les publicités (créées par Ogilvy & Mather à l’époque) mettaient de l’avant? Des endroits comme la Tour de Londres, l’Abbaye de Westminster, Buckingham Palace, Oxford…  La campagne a contribué à faire passer le Royaume-Uni  du cinquième au premier rang quant aux pays d’Europe les plus visités par les Américains.  Mais voici genre de commentaires qu’elle avait suscités dans la presse britannique : ah mais pourquoi projeter ainsi l’image d’un pays qui vit dans le passé? Pourquoi ne pas projeter l’image d’une société moderne et industrielle? Pourquoi ne pas montrer les centrales nucléaires dont le Royaume-Uni venait juste de se doter? Vous voyez le genre… Mais évidemment, ce n’est pas ainsi qu’on aurait incité les Américains à traverser l’océan pour venir visiter l’Angleterre…

Tout ça pour dire que d’autres peuvent être aussi  aveugles que nous face à leurs propres attraits. Ceci dit, il y a quand même autre chose pour nous en ce qui concerne l’hiver et la publicité, justement : n’êtes-vous pas frappés par toutes ces publicités qui nous vendent des voyages dans le Sud en dénigrant l’hiver? Du genre : « Ah, je suis donc tanné de la neige, du froid, de la sloche, et je sacre mon camp dans le Sud…» On doit quand même être une des rares contrées dans le monde où la stratégie, pour vendre des destinations étrangère, consiste à « bitcher » contre ce qui se trouve ici. Là, nous aurions peut-être des remises en question à faire…

Et pour terminer, en parlant de remise en question…  Alors qu’on vient de dépasser les 25 degrés C à Montréal un 21 mars, il faudra sérieusement se demander ce qui arrive à notre climat, si on aura encore longtemps les hivers auxquels nous commencions juste à nous habituer, et ce qu’il faudrait faire pour y changer quelque chose. Comme le chantait cette illustre canadienne qu’est Joni Mitchell : “Don’t it always seem to go that you don’t know what you’ve got ‘til it’s gone… “

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