Renouer avec le bon sens, partie 2 : la « désobéissance civile » au Lac Saint-Charles.

J’ai parlé un peu plus tôt de ce qu’il y a d’exagéré et d’absurde dans cette controverse sur le port (ou non) du carré rouge par les employés de Renaud-Bray. Dans la même lignée, le second sujet du jour, à mon avis, c’est ce tract qui invite les riverains du Lac St-Charles, en banlieue de Québec, à la « désobéissance civile » pour protester contre un règlement qui leur déplaît. Et l’absurdité n’est pas surtout dans la controverse elle-même, mais dans le genre de réactions qu’elle a suscitées.

Lac St-Charles

Le Lac St-Charles, en banlieue de Québec: qui,, au juste, a le droit d'invoquer la "désobéissance civile"?

Je n’irai pas dans les détails du dossier, allez les lire ici. Mais en gros, le règlement interdit notamment les pelouses qui se rendent jusqu’à la rive et stipule que les abords du lac doivent être restaurés. Ceci pour protéger les eaux du lac, principale source d’eau potable de Québec, contre l’éclosion de cyanobactéries.  Le règlement a été contesté devant la Cour supérieure et la Cour d’appel. Celles-ci, toutefois, ont toutes deux donné raison à la Ville de Québec.  Le tract en question recommanderait notamment  de tondre les terrains jusqu’à la rive, pour voir «si la ville osera nous donner des amendes»; de planter des fleurs dans la bande riveraine pour voir «si la ville osera tout détruire devant les caméras de télévision»; et de refuser de défaire les aménagements pour lesquels «nous avons payé».

Ce qui m’a frappée, ce sont les commentaires, notamment sur Facebook, où cette nouvelle a été relayée. « Touchez pas à mon gazon! »;  « moi moi moi moi moi pis moi »; «  Les banlieusards se radicalisent. »; «  Votez vert, ils disaient! »; « Les algues sont toujours plus bleues dans le lac du voisin, dit le dicton. »; etc. Personnellement, ce que je lis entre les lignes, c’est : « non mais, comment des ploucs de banlieusards peuvent-ils se prévaloir du noble concept de ‘désobéissance civile’ pour quelque chose d’aussi trivial que le droit à cultiver leur gazon ? ».

Jusqu’ici, ceux qui s’étaient mis à défendre  le concept de désobéissance civile se confortaient avec le fait que c’était pour une noble cause; et que, même en traitant les lois et règlements comme un buffet chinois (on prend ce qui fait notre affaire, on laisse faire le reste), ils le faisaient au nom d’intérêts supérieurs. Et qui jugeait que c’était à l’avantage de tout le monde? Mais eux-mêmes, voyons… Parce que quelque part, ils s’estimaient mieux en mesure de juger que « les autres ».

Mais il semblerait que bien des riverains du Lac St-Charles jugent, eux aussi, que le règlement qui les concerne est absurde. Je le dis tout de suite : je ne connais pas le dossier, je ne juge pas des arguments des uns et des autres, et je ne sais pas qui a raison.

Ce que je note, par contre, c’est qu’on a ouvert une boîte de Pandore en amenant à tout bout de champ ce concept de « désobéissance civile ». Et que maintenant, on arrive au bout de cette pseudo-logique. Si des « urbains-cool» peuvent choisir de désobéir, au nom de motifs qui leur tiennent à cœur, pourquoi des banlieusards ne le pourraient-ils pas ? Qui décide ? Qui tranche? Au nom de quels critères?

On a l’impression que certains aimeraient porter des macarons où on lirait: « Touche pas à ma désobéissance civile »…

Blague à part, voilà encore quelque chose qui nous fait réaliser toute l’absurdité de certains discours. Ou bien on accepte de vivre en société, avec tout ce que cela comporte de contraintes, de frustrations, et, oui, d’absurdités et d’injustices parfois. Ou bien, on rejette tout ce qui va de pair avec la vie en société.

  1. Moi aussi je plaide pour le bon sens. Quoi qu’on pense de la désobéissance civile, la loi 98 à un règlement municipal sur les pelouses, c’est de la mauvaise foi pure et simple.

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