Les journalistes, plus nécessaires que jamais… et même davantage que les chroniqueurs

Les transformations apportés par internet, les blogues et les médias sociaux n’ont pas fini de bouleverser la réalité des entreprises médias, leurs modèles d’affaires et, avec tout cela, le métier de journaliste.

Le congrès de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec se tient au Château Frontenac cette fin de semaine

Le thème du congrès de la Fédération des journalistes du Québec (FPJQ) qui se tient en fin de semaine à Québec,  est : « Le journalisme, plus nécessaire que jamais. » À première vue, cela peut ressembler au proverbial exemple de celui qui siffle dans le noir pour s’encourager. Car en effet, le rôle des journalistes a été sérieusement remis en question ces dernières années.

Pour commencer, avec tellement d’informations accessibles sur le web, et gratuitement, beaucoup se sont mis à dire que l’information « pure », ou en tout cas les nouvelles,  n’avait désormais plus de grande valeur…  Et c’est vrai que l’on n’a désormais plus besoin des médias « traditionnels » pour apprendre qu’il s’est produit tel accident ou tel gros événement, pour être informés de telle déclaration, ou apprendre ce qui s’est passé à telle conférence de presse. La simple information factuelle devient une sorte de matière première, pour laquelle, constatait-on, les gens ne veulent plus payer. Il faut fournir de la valeur ajoutée.

Et c’est sans doute pourquoi tellement de médias se sont tournés vers les chroniques. On personnalise les contenus, et on met l’accent sur des gens qui apportent leur point de vue. Point de vue basé, en principe, sur une solide expérience, et qui apporte au public un éclairage pertinent sur les faits. Voilà quelque chose, se disait-on, susceptible d’aller surpasser en intérêt tout ce que l’on retrouve gratuitement sur le web.

Mais ce point de vue se retrouve sérieusement ébranlé, avec la montée en force des blogueurs de tous genres. Dont certains apportent une expertise, et une valeur ajoutée pour le public. Mais qui le font gratuitement, ou en tout cas, sans être rémunérés par une entreprise de presse ou un média. Ils le font parce qu’ils ont quelque chose à mettre en valeur. Ou, parfois, simplement par passion de communiquer. La fondatrice du Huffington Post, Arianna Huffington, soulignait lors de son passage à Montréal, en septembre dernier, « Self-expression is the new entertainment » : l’expression personnelle est la nouvelle forme de distraction. « On se demande pourquoi les gens contribuent gratuitment à wikipédia; on ne s’est jamais demandé pourquoi les gens restaient écrasés devant la télé gratuitement !» , soulignait-elle entre autres.

Les chroniqueurs, et les blogues des entreprises de presse, se retrouvent donc en concurrence avec une multitude de gens, qui eux aussi ont des choses intéressantes à dire, et dont certains sont capables de très bien les communiquer. Tout le monde, peu importe son profil ou son « background » doit trouver leur niche, et faire valoir son expertise. Parce que, en effet, un chroniqueur « voyages » expérimenté a sûrement sa place et son intérêt; mais il évolue désormais  dans le même marché qu’un passionné de voyages qui a décidé de lancer son blogue. Même choses pour les « mamans blogueuses », ou tous ceux et celles qui traitent de vie familiale : il y a par exemple des entrepreneures qui tiennent des blogues où elles parlent de leurs expériences et de conciliation travail-famille, avec un point de vue bien différent de ce qu’apportent des journalistes « traditionnels ». Et qui peut s’avérer très pertinent pour leurs lecteurs et lectrices…

Par contre, un blogueur solitaire peut difficilement faire des enquêtes, déterrer des faits sur l’industrie de la construction, par exemple; ou révéler le contenu d’un rapport sur l’état d’un pont, demeuré secret pendant plusieurs mois. Il faut des gens qui ont : une solide expérience; une formation journalistique (peu importe qu’elle ait été acquise à l’école ou sur le tas) avec tout ce que cela sous-entend de réflexes, de connaissances, y compris quant à l’éthique;  des contacts et la confiance de sources, souvent acquise après de longues années ; et enfin, le soutien d’un entreprise média, qui peut investir le temps et l’argent dans ce genre d’enquête… sans compter le soutien en cas de tentatives d’intimidation, ou même de poursuites judiciaires. Et donc, à la lueur de tout cela, ne tenons pas pour morts le journalisme, et les journalistes.

Mon titre se voulait un peu provocateur: les bons chroniqueurs demeurent bien sûr essentiels, et ont bien entendu leur place dans les entreprises de presse. Mais faisons attention à ne pas survaloriser leur rôle, et surtout à pas le faire au détriment de celui de journaliste. Ce qui semble quand même s’être produit à bien des endroits ces derniers temps.

Tout cela n’empêche pas que je sois complètement en désaccord avec le besoin d’avoir un « statut de journaliste », une notion qui est moins pertinente que jamais. Mais ceci est un autre sujet.  D’autres, à commencer par Lysiane Gagnon il y a un environ semaine dans La Presse, ont déjà fort bien résumé pourquoi.

  1. Je constate que de plus en plus de journalistes suivent une ligne directrice décidé par la direction. Je donne comme exemple; il est très rare d’entendre un journaliste poser une question qui peut contrarier le maire Labeaume. Personne n’a posé de question concernant l’emprunt de 32M$ pour l’aqueduc et l’égout pour le nouvel amphithéâtre.

    Je demande aux journalistes de faire leur travail avec honnêteté et professionnalisme,

    Pierre Lamonde
    Québec

  2. Marie-Claude Ducas

    Je ne suis pas sûre que l’on puisse dire que PERSONNE n’a posé de questions… D’autres collègues – et lecteurs de ce blogue – en auraient peut-être plus à dire sur ce sujet ?

  3. Bien sûr que les journalistes sont mieux placés pour faire de l’enquête. Bien sûr que le bon journalisme demeure important pour une société démocratique. Mais l’évolution que l’on observe laisse en plan une question drôlement importante: si les lecteurs sont de moins en moins nombreux à acheter un journal, si les éditeurs veulent de plus en plus de contenu gratuit, au bout du compte, qui va payer?

  4. Commentaires intéressants sur le blogue plus haut…
    Bien que la question s’est posée entre la chronique blogueuse et l’article journalistique, une seconde question est soulevée par les derniers commentaires portant sur le traitement de l’information par les journalistes et la responsabilité collective de soutenir financièrement le travail fait par les journalistes. Avant de m’attaquer à la 2e question, j’aimerais m’attarder sur la première.
    Une certaine réserve s’observe dans le milieu journalistique depuis plusieurs années tant sur ce qui est à divulguer que de la manière de traiter l’information que l’on choisie de rendre publique. Bien des citoyens ont senti le glissement pernicieux dans le traitement de l’information vers un positionnement plus personnel de plusieurs journalistes dans la manière qu’ils abordaient leur sujet de l’heure. Ainsi, d’autres individus, remettant en partie en question le pouvoir d’influence de ce corps professionnel sur la population en général, plusieurs lecteurs avisés ont voulu s’exprimer par le blogue sur l’actualité dont ils étaient témoins et parfois acteurs.
    Une prise de position sur des enjeux sociaux ouvre la porte à différentes dérives quand notre mandat est d’informer une population de ce qui se passe dans son environnement près ou lointain. Bien que je sois pour le débat d’idées et les partages de points de vue, souhaitant que tous y participent, il faut garder à l’esprit que par le rôle social que l’on joue, on peut grandement influencer l’opinion du lecteur ou de l’auditoire, lorsqu’est utilisé notre titre ou fonction pour propager nos idées et valeurs personnelles. Trop peu souvent on entend de la bouche ou on lit de la plume du journaliste qu’il émet sa prise de position personnelle plutôt que la livraison de l’information.
    Étant bien consciente des pressions que cette profession subit par l’audimat et les tirages, les publicitaires, les enjeux de rentabilité et de concurrence et bien d’autres encore, une des valeurs que le lecteur ou l’auditeur s’attend du journaliste est un traitement complet de l’information avec le moins d’interférences personnelles ou lobbyistes. Par son niveau de connaissance, le lecteur ou l’auditeur est devenu exigeant et critique sur l’éthique des comportements de cette profession. À ses yeux, l’aspect respectable et le crédit accordé à ce métier ont grandement été ébranlés au travers du temps, et maintenant, il refuse d’être berné par une image.
    Par ce constat, nous pouvons mieux comprendre la crise actuelle de la rémunération pour le travail effectué. Sur le principe, la majorité des gens sont d’accord à la conclusion de payer le professionnel pour son travail mais individuellement, le lecteur et l’auditeur est de moins en moins disposé à débourser pour se procurer l’information sur son univers. Il perçoit mal la nécessité démocratique de ce métier pour guider collectivement les gens à poser un choix social déterminant, ou sa responsabilité envers la survie de ce dernier par les menaces qui pèsent sur lui puisque la frontière entre l’expression libre et le contenu informatif a été traversée souvent.

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