Chers amis de Québec qui venez de découvrir Clotaire Rapaille…

Clotaire Rapaille pour Québec: est-ce le meilleur choix?

Clotaire Rapaille à Québec: avec toute cette controverse, il y a peut-être déjà une première réussite

Je dois débuter ce billet par une confession:  je suis une vieille fan de Clotaire Rapaille (ceci dit, reste encore à voir s’il faudra bientôt, ou non, dire « ex-fan »…). Le tout premier éditorial que j’ai signé dans Infopresse, peu après mon arrivée comme rédactrice en chef, à l’automne 1999, lui était essentiellement consacré. Ou, à tout le moins, à son travail et au type de techniques qu’il emploie pour sonder l’inconscient des consommateurs.  Je l’avais entendu parler à la première chaîne de Radio-Canada, à l’émission de Marie-France Bazzo à l’époque. Et il y a ici une drôle de boucle en train de se boucler: au moment même où j’écris ces lignes, il est question de Clotaire Rapaille à l’émission qu’anime maintenant Christiane Charette, au même poste et dans le même créneau horaire. 

À l’époque, j’avais trouvé ses propos passionnants. Un exemple: on ne peut vraiment pas, pour vendre un fromages, utiliser  la même stratégie  aux États-Unis qu’en France, expliquait-il. En effet, pour des Européens, un fromage est quelque chose de « vivant », et c’est une qualité que l’on peut mettre de l’avant dans le marketing et la publicité. Aux États-Unis, c’est la dernière chose à dire ! Au pays de l’aseptisation, on sera tout sauf attiré par l’idée qu’un aliment est « vivant ». Évidemment, je résume grossièrement. Mais cela donne une idée du genre d’enjeux auquels Clotaire Rapaille s’attaque pour ses clients. Et, d’abord psychiatre et psychanalyste de formation, il utilise les techiques liées à ces domaines. Soulignons qu’il n’est pas seul au monde à employer ce genre de techique. Mais, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il semble être un des meilleurs pour se mettre en marché.

Et, donc, même ici à Montréal, Clotaire Rapaille est en quelque sorte une vieille connaissance. Il est venu au moins à quelques reprises faire des entrevues et des présentations, dont une fois, en 2002, à la journée des Magazines du Québec. J’ai d’ailleurs retrouvé trace de cette visite (photos à l’appui) sur le site du Grenier aux Nouvelles  (merci et bravo, Normand…)

Je ne vous résumerai pas ici tout le débat soulevé par le fait que Clotaire Rapaille ait été engagé par la ville de Québec pour refaire son image. Pour être à jour à ce sujet, vous n’avez qu’à taper « Rapaille » dans Google actualités. En ce qui concerne le milieu du marketing, vous pouvez aller voir les commentaires suscités par la nouvelle publiée sur Infopresse, de même que le billet d’Éric Blais de Headspace Marketing, et celui de Stéphanie Kennan de Bang Marketing, lequel a d’ailleurs relancé les commentaires sur Infopresse.

Et, pour en savoir plus sur le bonhomme, je vous incite fortement à aller lire l’entrevue qu’il avait donnée dans le cadre d’un remarquable documentaire présenté, en 2004, dans le cadre de l’émission Frontline, à PBS, et intitulé The Persuaders. D’ailleurs, tout le contenu lié à ce documentaire, qui traite des diverses techniques utilisées par la publicité, est toujours accessible en ligne, et je ne saurais trop vous en recommander le visionnement.

Pour ma part, voici juste, par rapport à Clotaire Rapaille, son mandat, et surtout tout le débat et la couverture de presse qui s’y rattachent, quelques points qui, il me semble, n’ont été abordés, et qui méritent d’être soulevés.

Il y a des publicitaires qui se tirent dans le pied: Je suis un peu déconcertée par tout cet argumentaire mis de l’avant par certains gens d’agences à Québec, qui estiment que faire appel à un expert étranger  dénote une « mentalité de colonisés ». Eh, les amis, que faites-vous pour vos clients à coeur de jour, (et pourquoi les facturez-vous) si ce n’est leur offrir, justement, un avis extérieur sur leur marketing et leurs communications? On veut trouver les meilleurs éléments à mettre de l’avant sur Québec pour, en grande partie, la rendre attrayante aux yeux d’une clientèle extérieure. N’est-ce pas justifié d’aller chercher, justement, quelqu’un dont l’offre et l’expérience est d’examiner ces questions avec un certain recul ? Évidemment, on peut toujours se demander si Clotaire Rapaille est, ou non, la meilleure personne pour le faire. Est-il encore le plus à même de faire cela ? Est-il, comme certaines mauvaises langues le chuchotent, un has been? Cela peut toujours être discuté.  Mais c’est un autre débat.

Observer, c’est perturber:  Et, en l’occurence, le processus est, il me semble, pas mal trop observé et commenté  pour son propre bien. Voyons cela, encore, d’un point de vue que les publicitaires comprendront. Quand vous êtes en train de travailler sur une campagne ou un concept pour un client, vous ne voulez pas forcément l’impliquer tous les jours dans la « poutine » interne, et lui faire part de vos explorations, vos questionnements, vos errances même… Et puis, vous voulez, en vue de ce que vous allez lui présenter, ménager le punch, la surprise, l’effet de découvrir avec un oeil frais la campagne et le postionnement que vous proposez. En ce  qui concerne le positionnement de Québec, pour le côté magie et effet de surprise, cela me semble pour l’instant plutôt mal barré.

À date, pas grand-chose de nouveau : Dans les commentaires qu’il a formulés  suite à une première séance de travail, Rapaille dit notamment: «On voit qu’il y a chez vous un complexe d’infériorité, un pessimisme, mais aussi un complexe de supériorité.» On serait aisément arrivé à cette conclusion en lisant quelques experts de chez nous, en  commençant par Jacques Bouchard, qui a jeté les bases de la publicité québécoise, et en continuant par quelques-uns de nos sociologues et anthropologues. Et d’ailleurs, il faudrait signaler à monsieur Rapaille que ce genre de constatation peut s’appliquer au Québec entier, et pas seulement à la ville de Québec.  Ceci dit, on n’en est qu’au tout début. Laissons sa chance au coureur.  Et disons que l’on surveillera avec beaucoup d’intérêt ce qui sortira du processus.

Et disons aussi, pour finir, qu’il y a quand même, déjà, une autre réussite à porter au crédit de Québec: elle arrive encore à faire parler d’elle, à braquer sur elle l’attention des médias de toute la province. Et, à travers cela, à projeter l’image d’une ville qui agit, essaie, et avance.

Je vais donc clotûrer ce billet par une autre confession: à Montréal, quelque part, on est un peu jaloux. En tout cas, on devrait.

  1. Bravo, Marie-Claude. Je suis avec eux qui pensent que M. Rapaille est un has-been. Mais aussi, comme Montrealais, un peu jalouse que la vieille capitale a un maire qui est mille fois plus visionnaire que notre cher M. Tremblay.

  2. Bonjour Mme Ducas,

    Je veux simplement préciser ce qui nous semble colonisateur dans la démarche actuelle. Ce n’est pas de faire affaire avec un spécialiste pour le positionnement de la Ville qui nous déplaît. Comme vous le dites, c’est ce que nous faisons à coeur de jour pour nos clients. Ce que nous déplorons est le fait que la Ville soit allée chercher ce spécialiste à l’extérieur. Personnellement, demanderiez-vous à un étranger de vous décrire, ou vous préfériez le faire vous-même? Qui vous connaît le mieux?

    merci

  3. Clotaire Rapaille | Branding de Québec | Alexandre Beauregard | Blog - pingback on 5 février 2010 at 15 h 22 min
  4. Avec le 400e, la ville de Québec -maire Labeaume en tête- s’est rendu compte qu’il y avait de la vie en dehors de la province. Pour repositionner Québec, il a voulu s’offrir le meilleur expert du monde. Et le meilleur, selon lui, c’est Rapaille. Point.

    Peut-on lui en vouloir d’avoir un soupçon de vision ?

    Quant à ce début de polémique qui fait déjà parler de Québec, elle prouve que derrière son allure grossière, le maire Labeaume est soit beacoup plus intelligent qu’il n’y paraît, soit bien mieux conseillé que le maire Tremblay (ce qui n’est pas trop difficile, convenons-en).

  5. A propos des publicitaires qui se tirent dans le pied: si un étranger ne
    peut cerner l’A.D.N. de Québec, comment les publicitaires du Québec
    peuvent-ils prétendre pouvoir travailler sur des mandats hors Québec?

  6. Mon Dieu…

    Suis-je le seul à vouloir passer à autre chose? Gardez-vous des énergies et des munitions au cas où M. Rapaille se planterait. Dans le cas contraire, on aura sûrement l’occasion d’en reparler.

    100% d’accord avec vous Mme Ducas.

  7. Je pense qu’au-delà de savoir qui est chauvin, se cache une réalité pas mal moins légère. Ce mandat est en fait un défi très intéressant et le fait que les agences québécoises n’aient pas pu «se battre» à travers un processus compétitif est le véritable problème. Peut-être qu’à la fin de la journée, M. Rapaille aurait été le seul prêt à répondre aux exigences de Québec. J’en doute, mais le fait de systématiquement aller à l’international pour trouver un consultant en rejetant du revers de la main la possibilité de mettre à profit le talent local m’apparaît surréaliste. Ce surréalisme a été amplifié par le choix même du consultant. Je ne crois pas être la seule qui se pinçait en écoutant la conférence de presse…

  8. Bravo, Marie-Claude, pour ce billet nuancé et éclairant. Laissons la chance au coureur, comme vous dites. J’ai entendu cette semaine des animateurs de radio de Québec lapider et ridiculiser Rapaille. Trop facile! Et bravo à la Ville de Québec pour l’audace! Voilà une ville qui avance.

  9. Most Tweeted Articles by Quebec Experts - pingback on 6 février 2010 at 6 h 30 min
  10. Bonjour Mme Ducas,

    À mon avis, peu importe l’expert en marketing que Régis Labeaume engagera pour refaire l’image de la «Vieille Capitale», en bout de piste, il me semble que Regis Labeaume «est» l’image forte de Québec. La personnalité du Maire est flamboyante. Son franc parlé, ses idées audacieuses, ses actions privilégiant le profit à moyen et à long terme, plutôt qu’à court terme, son goût du risque, tout cela fait de lui un homme distinct, une «vache violette» (The Purple Cow de Seth Godin) dans les prés de la politique québécoise.

    Si les citoyens de la Ville de Québec réélisent Labeaume, alors cette image se définira naturellement; elle se peaufinera d’année en année… surtout s’il en vient à interdire la radio poubelle sur son territoire!

  11. Comme dans tout mouvement médiatique, y aura toujours du monde qui auront «peur» du résultat final. laisser cette chance au coureur, c’est la première fois en té ka qu’il y a une telle cousultation pour la ville de Québec, à noter que j’ai que 32 ans…

  12. Marie-Claude, je suis moi aussi un « vieux » fan de monsieur Rapaille… (confession ;-))

    Il était venu prononcer une conférence en 1997 lors d’un Consortium des Maîtrises en Marketing à l’Université de Sherbrooke. Il s’était déplacé gratuitement pour venir rencontrer quelques dizaines d’étudiants en marketing dans les Cantons de l’Est… Il avait été fort généreux. Il était même venu souper avec nous après sa journée. 13 ans plus tard, c’est une des conférences marketing les plus marquantes à laquelle j’ai eu la chance d’assister. Son approche est peut-être loufoque ou absurde à première vue mais elle repose sur des fondements scientifiques indiscutables. Je suis d’avis que l’on éteigne les follow spots de jalousie qui flashent sur lui à ce stade-ci du projet et qu’on le laisse faire son travail en paix. On jugera des résultats après. Par contre, peut-importe ce qu’il proposera, c’est clair que plusieurs l’attendent dans le détour et leurs critiques, gorgées d’envie, sont déjà formulées.

  13. Je suis bien d’accord avec toi Marie-Claude. Que font les publicitaires à critiquer M. Rapaille parce qu’il fait le même travail qu’ils font pour leur clients. On devrait peut-être se questionner sur le fait qu’on doit aller à l’extérieur du Québec pour trouver une personne capable de développer le  »branding » de la moins en moins vieille capitale.

  14. Marie-Claude, billet très apprécié.
    J’ai parfois l’impression que les gens d’agences à Québec comme à Montréal, qui pourtant évoluent dans une industrie qui se doit d’être ouverte et curieuse des idées et talents venus d’ailleurs, se sont trompés de métier.
    Il n’y a qu’ici que ce type de débat stérile existe… c’est original certes, mais c’est un peu triste aussi.
    Notre profession, plus que beaucoup d’autres, se nourrit des autres et de ceux qui viennent parfois de loin.
    Ne pas l’intégrer, ne pas le comprendre, le rejeter parfois, c’est trahir ce métier et s’en montrer indigne.

  15. Je suis d’accord qu’il faut laisser la chance au coureur. L’audace du maire de Québec fait jaser et aurait fait jaser même s’il avait choisi une firme québécoise. Clotaire Rapaille est spécial, c’est clair. J’ai tenté de lire son dernier livre et j’ai abandonné. Un peu trop flyé pour moi. Ces archétypes et tout ça, c’est pas évident. Moi qui travaille un peu en recherche marketing, ces approches ne me sont pas accessibles. Le fait de vouloir renouveler le ‘brand’ de la ville de Québec est une excellente initiative. Je suis convaincue que peu importe ce que va faire M. Rapaille, on pourra travailler avec ces recommandations.

  16. Une question poursuit Clotaire Rapaille depuis ses débuts : est-ce un génie ou un charlatan ?

    Si son approche est hyper-intéressante, je suis quand même gêné par certaines de ses idées, notamment la notion simpliste qu’à chaque objet est associé un « code », une sorte de clé secrète, qui permet de tout comprendre du comportement du consommateur.

    Pour en savoir plus sur Rapaille et son approche :
    http://publizac.blogspot.com/2010/02/clotaire-rapaille-genie-ou-charlatan.html

  17. Une analyse payante? « Le blogue de dégé - pingback on 11 février 2010 at 22 h 42 min
  18. Eh bien, il est rigolo de lire tous ces commentaires en sachant maintenant qui est vraiment M. Rapaille. A beau mentir qui vient de loin ? Peut-être!

  19. Bon ben, je me suis fait fourré. Je me résigne à l’avouer candidement. Ma baloune est pétée. J’y ai cru et je pense que je ne suis ni le seul ni le premier.

  20. 4 logotypes pour la Ville de Québec.

    Découvrez. Votez. Commentez.

    Avec l’embauche de M. Clotaire Rapaille par la Ville de Québec, ce sujet chaud est maintenant sur toutes les lèvres. En effet, en tant que résidents de Québec, nous nous sentons tous concernés et même un peu interpellés par le travail de M. Rapaille, qui consistait à cerner l’ADN de notre capitale. Et malgré l’interruption de son travail, le besoin de se trouver une personnalité demeure une préoccupation bien présente pour la ville.

    En tant que résidents de Québec et parce que l’image de marque est notre dada, nous nous sommes amusés à ébaucher 4 logotypes. Nous souhaitons ici démystifier ce processus afin de répondre aux précédentes questions et bien comprendre le but et l’importance d’une image de marque pour une ville telle que Québec.

    Voici le lien pour voir notre travail : http://www.lesaint.ca/quebec-branding.html

    Nous vous rappelons toutefois que ceci est une étude libre et le fruit de notre très humble et sommaire analyse en tant qu’entrepreneurs, résidents et amoureux de la Ville de Québec. Toutefois, nous vous encourageons fortement à partager vos impressions et commentaires avec nous. Il est possible de le faire par courriel ( christian.st-pierre@lesaint.ca ) ou en les partageant via notre page Facebook. ( http://www.facebook.com/pages/Quebec-QC/Le-Saint-publicite-design/368552962640 )

    Bonne découverte.

    Christian St-Pierre

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