L'esprit du flash mob est-il soluble dans la Bud Light?

Hier (jeudi), coin Ste-Catherine et McGill College, quelques dizaines de personnes, vêtues de chandails vert lime, ont effectué une chorégraphie, sous le soleil du midi… et, on imagine, sous l’oeil intrigué des passants. Elles ont ensuite distribué des limes mentionnant une adresse web, où, comme il est raconté sur infopresse.com, on accédait, sur You Tube, à une vidéo pour la bière Bud Light Lime. Vidéo qui circule déjà de façon « virale » depuis quelque temps. Tout cela, en amorce d’une campagne de pub qui sera déployée pleinement au début de juin. 

Hormis la couverture « spécialisée » d’Infopresse, l’initiative a eu droit à une mention aux nouvelles de fin de soirée à TVA, dans le cadre de la rubrique Mon Topo. En fait, on nous renvoyait d’abord et avant tout aux propos de Maxime Landry qui, sur le blogue de Canoë, émettait des doutes sur le bien fondé de l’opération, qui, soulignait-il, ne respectait pas l' »idée originale d’un Flash Mob ». L' »idée originale » en question étant, d’après ce que j’en comprend, la spontanéité.

Je suis obligée ici de passer aux aveux: j’étais jusqu’ici cruellement ignorante quant à l’exégèse et l’étiquette du « flash mob », terme que l’on traduit parfois par « foule éclair » ou « mobilisation éclair ». Heureusement, on a toujours Google pour nous secourir. La rubrique de Wikipédia consacrée au flash mob le décrit comme « le rassemblement d’un groupe de personnes dans un lieu public pour y effectuer des actions convenues d’avance avant de se disperser rapidement. Le rassemblement étant généralement organisé au moyen d’Internet, les participants (les flash mobbers) ne se connaissent pas pour la plupart. »

L’histoire de cette jeune discipline fourmille déjà de cas célèbres, dans des endroits qui vont de Grand Central Station à New York jusqu’au hall du Louvre à Paris. Cliquez ici pour voir des vidéos de quelques classiques du genre. Et sachez que Montréal semble défendre honorablement sa place sur le circuit mondial du flash mob. Il paraîtrait en tout cas qu’en août 2003, alors que le genre naissait tout juste, « une quarantaine de personnes se sont ainsi réunies entre 13h19 et 13h22 sur l’esplanade de la Place-des-Arts en criant « Coin ! Coin ! » et ont jeté dans le bassin plus de 200 canards en plastique jaune avant de se disperser subitement.[…] Montréal a ainsi devancé Toronto et Vancouver, où des rassemblements éclair ont également lieu. » Et en avril 2006, « à 19h00 au square Dorchester, une centaine de personnes ont participé à une bataille d’oreillers. »

Mes recherches ont aussi révélé la tenue, novembre 2008, au Complexe Desjardins, d’un « flash mob » de la variété dite « Freeze ». Comme il est décrit sur un billet du blogue iciailleurs,  » il s’agissait de geler pendant 4 minutes dans une zone très passagère. (…) Cette action s’est passée le 29 novembre à 18H30. (un vendredi) Le nombre de participant a été impréssionnant. En effet 700 / 800 persones étaient là. A 18H30 tout les participants ont arrétés de bouger pendant 4 minutes. Les personnes qui n’étainet pas dans l’action ne comprenant pas ce qui se passait. (sic) » Les sceptiques peuvent visionner le vidéo ici.

Un aparté avant de continuer: non mais j’en manque-tu, des affaires ! Je me désole déjà souvent du fait que ma vie sociale et culturelle soient loin d’être aussi riches que je le voudrais. Je le réalise à nouveau, de façon désespérante.

Mais où en étais-je…? Ah oui, la spontanéité. Et la question de savoir si l’initiative pour Bud Light Lime était ou non coupable de « détournement de sens profond du Flash Mob ». Franchement, autant j’ai été, comme beaucoup d’autres, déçue et même choquée par l’histoire du faux blogue pour Bixi, autant ici, je n’y vois pas grand mal. Si on arrive à intriguer et amuser en lançant une nouvelle boisson estivale, pourquoi pas ? On a fait ici un petit exercice ludique. Et on a révélé assez vite de quoi il était question. Reste, bien sûr, à savoir si c’est efficace… Mais l’opération n’est pas terminée. Et au bout du compte, c’est le consommateur qui jugera. Et qui votera avec son portefeuille.

Et, ceci dit, ce genre d’initiative se frappe à la même limite que rencontrent toutes les formes de publicité : l’encombrement. La même limite… sauf qu’elle est atteinte beaucoup plus vite. Le Flash Mob de Bud Light aura peut-être créé son effet. Mais c’est moins sûr pour le dixième (et même le troisième) annonceur qui fera cela à Montréal.

Telle est la cruelle réalité de l’inflation marketing.

Et, quand on décide d’avoir recours à ce genre de « créativité », ce n’est pas seulement la quantité qui entre en compte, c’est aussi la qualité : un mauvaise initative, mal conçue, mal exécutée, ou, pire, inappropriée au départ, risque d’être beaucoup plus mal accueillie, et de faire encore plus de dommages à l’image de l’annonceur, qu’une mauvaise pub « traditionnelle ».

  1. Merci beaucoup pour cette réflexion sur l’utilisation du flash mob comme stratégie de marketing mobile. Effectivement, étant donné notre retard considérable dans le marketing mobile, les différentes initiatives de flash mob bénéficient de l’effet nouveauté et la fraicheur de cette récupération marketing de la culture mobile. Ceci dit, il est vrai que les agences ont tendance à faire une utilisation un peu grossière des flash mob en sortant l’artillerie lourde sans considération des codes culturels du mobie. Deux éléments sont caractéristiques d’un « vrai » flash mob :

    – L’aspect éphémère (un flash mob ne doit pas s’éterniser, ça doit être une petite parenthèse dans la vie d’un paysage urbain). D’ailleurs, les flash mobbers doivent disparaitre dans la foule aussitôt la performance terminée.

    – Un flash mob ne doit pas nécessiter une grosse mise en scène. La créativité réside dans le contraste et la rupture avec le déroulement de la vie urbaine en toute simplicité (donc pas besoin de gros ballons et de bonhomme déguisé en mentos par exemple).

    Il est clair que pour le marketing, le retour sur investissement réside dans la portée virale du flash mob (par exemple le fameux flash mob de T-mobile qui a généré des dizaines de millions de visionnements vidéos youtube). Idéalement, une bonne stratégie de marketing mobile devrait pouvoir utiliser le flash mob comme effet de levier et entamer une relation plus durable avec les consommateurs mobiles.

  2. Bon article.
    Le premier « flash mod » que j’ai vu, c’était en 2001 quelques jours après le 11 septembre. À l’époque, j’habitais à Paris. Le gouvernement français avait décidé 3 minutes de silence et de recueillement en hommage aux victimes des attentats. J’étais dans la rue. Et d’un seul coup l’ensemble des gens présents dans la rue s’est figé entre deux mouvements pendant 3 minutes! 3 minutes, c’est long.
    Ce n’était pas une opération marketing mais c’était tout aussi efficace!

  3. J’ai l’impression que le flash mob de T-Mobile a rendu le phénomène mainstream, et qu’il faut déjà tourner la page. Il ne se passe plus une semaine sans voir un nouvel exemple. Au lieu de récupérer, va falloir inventer. Let’s go, même pas tous en même temps, avec le même t-shirt.

  4. Geneviève Piquette

    Merci pour le billet.

    Au Québec nous sommes cruellement en retard dans notre utilisation de la guérilla marketing sous toutes ses formes… Pour voir de la nouveauté allez jeter un coup d’oeil sur mon blogue
    http://vlancom.blogspot.com/

    En espérant que les annonceurs et agence d’ici s’ouvrent un peu aux nouvelles réalités du marché…

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