"Irrelevant award-chasers"?

Jeff Goodby : un pavé dans la mare qui tombe à point.

Jeff Goodby : un petit pavé dans la mare...

Lions de Cannes et autres prix : sont-ils encore pertinents et en phase avec la réalité ?
Lions de Cannes et autres prix : sont-ils encore pertinents et en phase avec la réalité ?

Ce n’est pas moi qui dit cela, c’est Jeff Goodby, co-président et directeur de la création de l’agence Goodby, Silverstein & Partners, de San Francisco. Agence qui travaille et a travaillé pour des clients comme le lait (« Got Milk? »), Nike, Adobe, ComCast… La réflexion à laquelle il se livre dans cet article publié sur Adage.com  est évidemment dans la foulée des Lions de Cannes, qui battent leur plein en ce moment. Et il me fait grand plaisir de la relayer, car elle recoupe des points qui me trottent dans la tête depuis un moment, à propos des pubs qui gagnent dans les concours… et qui,  règle générale, font « tripper » les créatifs. À savoir : est-ce qu’on ne récompense pas, avant tout, justement, des « trips » de créatifs ?

Le débat ne date pas d’hier : David Ogilvy, fondateur de Ogilvy & Mather et auteur des premiers best-sellers où il était question de pub, se plaisait à répéter qu’il congédierait les créatifs qui gagneraient des prix. Le sous-entendu étant, évidemment : quand on conçoit des pubs, il faut d’abord avoir en tête d’attirer l’attention des consommateurs, et de faire vendre , plutôt que d’épater ses collègues créatifs… (Je ne sais pas s’il est effectivement arrivé à Ogilvy de passer à l’acte ; ou si c’était seulement une figure de style de sa part…)

Donc, vieux débat. Mais il semble que les choses ne s’améliorent pas. Il y a eu, et Goodby l’aborde, toute la fameuse question des « pubs fantômes ». Mais, souligne-t-il, il y a aussi les pubs trop confidentielles, ou simplement obscures.  J’avoue que, personnellement, les coups d’oeils que je jetais, ces dernières années, à bien des concours, me laissaient souvent perplexes : que suis-je supposée comprendre ? Espère-t-on vraiment, ainsi, me vendre quelque chose, ou seulement développer ma sympathie pour une marque? Goodby propose, lui, le « test du taxi » (« the cab test »). C’est sûrement intéressant à faire partout, y compris ici. On peut d’ailleurs le décliner en diverses versions, adaptées au contexte et à la saison: le « test du BBQ en famille », le « test de la terrasse », etc.  À essayer durant l’été. Et n’hésitez pas à m’en donner des nouvelles.

  1. J’ai bien connu tous ces débats, j’ai été directeur de création d’ Ogilvy & Mather Montréal et Bruxelles durant les années 80. Je partage complètement l’avis de Jeff Goodby et en même temps, qu’a-t-on trouvé de mieux que les Awards en tout genre pour faire connaître et aimer la créativité, et donner le goût à des milliers de jeunes de se lancer dans ce métier? Tant pis si certains créatifs en abusent: la pub, ce n’est quand même pas si sérieux que ça et entre nous, la compagnie des fantômes est souvent plus marrante que celle des chauffeurs de taxi.

  2. Luc Saint-Hilaire

    Encore une fois, il faut que ce soit quelqu’un de l’étranger qui le dise pour qu’on en tienne compte ici… Que ce soit en pub ou sur d’autres sujets qui touchent le Québec, il semble que les idées doivent venir d’ailleurs pour être écoutées.

    À la fin des années 1970, lorsque j’étais étudiant en communication graphique à l’Université Laval, le débat faisait rage au département. Il y avait deux clans opposés, les « communicateurs » et les « puristes ». Claude Cossette, du côté communicateur, prêchait pour une pub signifiante et efficace dans une optique de mix-marketing. Les puristes ont eu raison de lui et il a quitté le département. Ce qu’il considérait « bon » n’était pas assez « beau » pour les puristes.

    J’ai repris sa matière en tant que chargé de cours. J’ai écrit des manuels sur le sujet, dont « Comment faire des images qui vendent ». En me basant sur les quatre portes de l’efficacité identifiées par François Descarie (Ipsos Descarie), j’ai recensé les raisons qui rendent la pub inefficace. Parmi les principales, je mentionne « le trip créatif » et le « consensus de comité » que je regroupe sous le thème des pubs incomprises pour cause de narcissisme.

    Ce bouquin date de 2005 et il reprend des thèmes dont on discutait déjà à nos tables à dessin à la fin des années 1970. Jeff Goodby ne tient donc pas un discours nouveau. Ce propos n’est pas populaire car il n’est pas plaisant pour les créatifs. Il oblige à mettre de côté la réalisation éclatante de phantasmes personnels pour bûcher de façon plus anonyme sur des outils de communication véritablement efficaces.

    Cela ne veut pas dire que la bonne pub est plate. Au contraire. C’est seulement que pour un créateur compétent, l’originalité n’est pas un but. C’est un moyen. On doit d’abord savoir ce qu’il faut dire dans une logique d’efficacité de communication, puis trouver une manière remarquable de l’exprimer. Je nomme cela : Dire la vérité avec panache. Au fond, c’est bien simple.

    Les créateurs qui ont cette attitude ne vont pas souvent à Cannes récolter un prix décerné par leurs pairs. Mais leurs clients atteignent leurs objectifs. N’est-ce pas la raison d’être de la pub?

    Luc Saint-Hilaire
    Communicateur, auteur, chargé de cours et conférencier

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