Ikea, nouveau « méchant de service » aux côtés de Wal-Mart et McDonald’s?

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Le catalogue 2010 d'Ikea : le roi du meuble en kit finira-t-il par être victime de son succès ?

Pendant mes vacances, j’ai lu (entre autres) un essai intitulé « Cheap : The High Cost of Discount Culture », signé par Ellen Ruppel Shell, qui est une correspondante au magazine The Atlantic. Le titre vous donne, j’imagine, une assez bonne idée de ce dont le livre parle. En un mot : quand on veut être trop « cheap » à court terme, cela finit par nous coûter cher à long terme.  Je ne sais pas s’il s’agit d’une révélation pour vous, mais pas pour moi…

Ceci dit, l’ouvrage vaut quand même le détour, pour bien des insights fascinants sur l’évolution du commerce de détail aux États-Unis, et sur nos façons de réagir (et de nous faire avoir) face aux « spéciaux » et de « discounts » de toutes sortes qu’on ne cesse de nous annoncer.

Mais c’est surtout, le chapitre consacré à Ikea, dont un extrait a d’ailleurs été publié il y a quelques semaines dans le Globe and Mail, qui retient l’attention.  Et au moment où Ikea vient justement de publier son nouveau catalogue, avec le battage publicitaire d’usage, tout cela tombe à point.  Dans un précédent billet, je parlais de la – presque trop – grande popularité d’Ikea, qui fait que, de San Francisco à Paris en passant par Barcelone et Montréal, on a parfois l’impression de se retrouver toujours les mêmes appartements.

Cheap : un regard critique sur notre fascination pour les "bargains".

Cheap : un regard critique sur notre fascination pour les "bargains".

Dans un chapitre intitulé « Death of a crafstman », Mme Rupert Shell s’en prend, elle, au bilan au bilan environnemental de la chaîne. Ikea, nous explique-t-elle, est d’abord mû par la préoccupation qui motive désormais beaucoup de détaillants occidentaux : offrir des articles au plus bas prix possible. D’où la politique de nous refiler le montage des meubles. Mais d’où, aussi, la sous-traitance de ses articles à des destinations lointaines comme la Chine ou le Vietnam… Et en se servant de bois provenant lui aussi de destinations lointaines, comme l’Asie ou l’Europe de l’Est. Où, estime l’auteur, même un Ikea peut difficilement s’assurer qui ses normes environnementales sont bel et bien respectées… D’autre part, les Ikea, comme tous les magasins à grandes surfaces, sont situés dans des banlieues lointaines, accessibles seulement en auto. Les congestions sont fréquentes autour des magasins Ikea. Tout cela porte un expert en environnement cité dans le livre à qualifier Ikea de « least sustainable retailer on the planet » .

Et puis surtout, conclut Mme Rupert Shell, Ikea fait partie de ce courant vers l’éphémère et le jetable, qu’on a vu se développer ces dernières années : on achète des bibliothèques Billy (pour ne mentionner que cet exemple), en sachant fort bien qu’elles ont une solidité et un durée de vie limitée… mais que nous pourrons, à peu de frais, les remplacer plutôt que les réparer. D’ailleurs, il paraît que bien des déménageurs refusent d’assumer l’empaquetage des meubles Ikea et d’en garantir l’arrivée intacte à destination. Tout cela, au bout du compte, devient donc très peu économique et peu environnemental.

Alors voilà. Jusqu’ici, la multinationale suédoise semblait, grâce entre autres à son image jeune, hip, et un peu exotique, le tout soigneusement entretenu par ses excellentes campagnes de publicité, épargnée par les critiques des consommateurs. D’ailleurs, l’entreprise a encore ses fans dévoués, comme le souligne, dans un récent billet dans le National PostPeter Shawn Taylor, collaborateur au magazine Maclean’s, qui démolit en bonne partie l’argumentation anti-Ikea de Cheap.

Et puis, il y a d’abord Walmart pour servir de paratonnerre à tous les anticapitalistes, anti-consommationnistes, environnementalistes et pro-syndicalistes en quête d’un ennemi… Au point que, comme le souligne judicieusement Richard Martineau dans  Infopresse de juillet, Walmart est associé à de nombreux mythes qui ne tiennent tout bonnement pas la route : non, l’entreprise n’embauche pas d’immigrants clandestins; et oui, elle paie les heures supplémentaires; d’ailleurs, les employés y sont en général satisfaits, et semblent y demeurer assez longtemps. Le tout, démontré par une enquête du New York Post. Bref, ce n’est sans doute pas le paradis sur Terre, mais pas l’enfer non plus. Mais l’importance et l’omniprésence de Walmart en font une cible de choix. C’est la même chose pour McDonald’s. Malgré le fait que McDo, encore une fois, traite (relativement) bien ses employés, soigne son image, ses normes environnemental, son engagement social… Beaucoup plus que ses rivaux, d’ailleurs. Mais qu’importe : c’est inévitablement le numéro un qui se retrouve dans la ligne de mire.

Pour Ikea, les paris sont ouverts : sera-t-il, à son tour, victime de son succès ?

  1. Au lieu d’aller au Ikea, j’achète les bibliothèque Billy d’IKEA de craigslist! ;)

    Si je déménage, souvent je vais les donner.

    Rien ne se perd, tout se transforme? :D

    Bien sur, je ne réponds qu’avec mes expériences personnelles

    Fan Ikea
    :)

  2. Aux exemples cités dans l’article on peut ajouter d’autres très gros joueurs, comme Microsoft ou le gouvernement américain. Leur point commun : ils sont les plus gros.

    L’idée voulant que « Small is beautiful » est aussi souvent fausse que son corolaire « Big is ugly ».

    Étienne
    (qui en fin de semaine a réparé ses bibliothèques Billy!)

  3. Le premier tout en haut de la liste aura toujours une pression supplémentaire par rapport à ses concurrents. De la part du public, de la part des médias. Le plus gros est plus visible et doit donner l’exemple. Le plus gros a le dos large finalement !

  4. « Attention, c’est pas du IKÉA ! »
    Citation d’un déménageur à un autre à propos de mes meubles de chambre à coucher… Comme quoi leur caractère « cheap » est assez répandu.
    Billet très intéressant, en passant !

  5. J’ai acheté ma première bibliothèque Billy en 1979 dans le magasin IKEA de Lausanne. Je l’ai toujours. Pourtant, j’ai depuis vécu à Québec, Montréal, Ottawa, de nouveau Montréal, Ottawa une deuxième fois et retour (définitif?) à Montréal. Alors pour ce qui est de la fragilité d’IKEA, permettez-moi de me porter en faux.

    Une anecdote. Pendant longtemps, la Suisse était desservie par un seul magasin IKEA situé à Zurich, je crois, ou à Bâle. J’étais prêt à aller danse une de ces deux villes pour m’équiper quand j’ai appris l’ouverture du magasin de Lausanne. Pour un citoyen de Genève, le choix s’imposait. Je suis allé dans le nouveau magasin de Lausanne. Là, vous ne sauriez imaginer le luxe d’accompagnement qui nous était proposé. Le thème était: Lausanne est notre première installation dans une communauté de culture latine. Nous avons encore beaucoup à apprendre de vous. S’il-vous-plait: aidez-nous! J’étais stupéfait par l’humilité et le respect de cette entreprise suédoise. Quel respect pour les clientèles étrangères… Si nos anglophones canadiens avaient manifesté, ne serait-ce que le dixième de la courtoisie suédoise, il n’y aurait jamais eu de double solitude au Canada, ni de crise nationaliste.

    Alors quand maintenant oncommence à chercher des poux à IKEA: je m’interroge. Si IKEA est en banlieue de Montréal, est-ce la faute à cette entreprise ou au fait que les Montréalais vivent en banlieue? Serait-il vraiment plus écologique de créer un magasin géant en pleine ville, n’hésitant pas à jeter des centaines de camions de livraison dans les rues encommbrées de Montréal?

    Mon idée au contraire est qu’IKEA est un modèle d’entreprise innovatrice. Ma préoccupation est plutôt de savoir pourquoi un pays de bois et tradition de fabrication artisanale de meubles comme le Québec n’a pas réussi à créer son propre IKEA…

  6. Nous travaillons depuis quelques temps déjà à proposer une alternative aux deux problématiques que vous avez soulevée dans votre article : l’illusion d’économiser en payant toujours moins cher et le désastre écologique provoqué par les produits du type consommer-jeter.

    Notre solution repose sur la remise en valeur des produits récupérés sélectionnés pour leur grande qualité et leur robustesse. On obtient donc à la fois des meubles :
    1-durables : car ils peuvent être remis à neuf encore et encore,
    2-écologiques : car nous récupérons les charpentes en bois et réduisons les déchets et l’exploitation des ressources naturelles et
    3-abordables, puisque nous n’avons pas à payer pour une partie de la matière première (le bois) ni pour la main d’oeuvre : construire une charpente pour un meuble prend beaucoup de temps et coute très cher, surtout si on la fabrique avec du bois de qualité tels que ceux que nous récupérons.

    Voilà, sans tomber dans la « plogue publicitaire », nous avons besoin de revoir nos façons d’aborder nos achats. Comment peut-on proposerun sofa en cuir à 500$, par exemple ? Cela devrait déjà nous questionner. Je connais les matériaux et le prix d’une seule peau en cuir de qualité moyenne coûte environ 350$ et nous svons besoin de 4 peaux pour recouvrir un sofa. Et on n’a pas compter le temps de travail ni les matériaux pour la charpente ni les mousses etc. Vous voyez le genre. C’est un beau look, mais c’est du toc en dedans.

    UN TRUC
    Un bon truc en passant pour avoir une idée si le meuble que vous reluquez est de bonne qualité ou non. Si vous réussissez à le soulever d’une seule main (ou même avec votre petit doigt), c’est qu’il y a de forte chance que le meuble soit d’une qualité médiocre. Les meubles robustes et les matériaux robustes sont généralement plus lourds. C’est pas un truc infaillible, mais ça vous mettra la puce à l’oreille.

    Merci pour votre article : il va contribuer à faire économiser beaucoup : l’avenir est au durable, plus au jetable.

  7. Attention concernant le truc. Par exemple, les meubles de mélamine sont une exception à cette règle : ils sont lourds, peu robustes et très polluants (émanation de formol provenant des colles).

    Peut-être qu’un autre truc serait : quand c’est pas cher, il doit y avoir une arnaque quelque part.

  8. Bravo JeanGuy Rens! J’ai aimé ton propos si juste!
    J’aime voir les deux cotés de la médaille lorsqu’on tient un discours.

    Merci de nous avoir éclairé.

  9. On m’a toujours dit ce n’est pas parce que c’est cher que c’est forcément de bonne qualité. Il y a aussi dans le prix le coefficient que les différents intermédiaires vont appliquer jusqu’au commerçant final pour que leur marge bénéficiaire soit plus ou moins haute. En France avant les années Ikea pour avoir une belle cuisine il fallait avoir un budget très très élevé. Maintenant avec les nouvelles cuisines Ikea qui sont de plus en plus design et fonctionnelles à des prix raisonnables beaucoup plus de gens peuvent se le permettre et je vous assure qu’elles ne sont aujourd’hui pas moins solides qu’une cuisine chez un cuisiniste haut de gamme seule change souvent le design. Il en va de même de pour l’électroménager, j’ai pu constaté ici que les prix pour certaines marques qui sont présentes en Europe c’est du délire. Je prends l’exemple du machine Bosch 7k, économique en eau et en électricité, muti-programmes, chauffe eau intégré, 605€ TTC au Québec 1600 $ CAD + la taxes et après discution avec le vendeur il me dit que c’est assemblé au Mexique et convient que les prix sont peut être trop élevés. Pour les vètements c’est pareil, j’achète de plus en plus chez H&M et depuis longtemps en Europe et la qualité me surprend de plus en plus pour le pratiqué.
    Alors la question à mon sens que l’on devrait se poser, c’est quoi le prix juste ?

  10. On dirait que le merveilleux monde du journalisme est de plus en plus un club d’admiration mutuelle dans lequel on prend plaisir à se citer les uns les autres, à ploguer son bouquin, comme si cela devait apporter de la crédibilité à une profession qui en manque de plus en plus occupé qu’elle est à devoir avoir une opinion sur tout et sur n’importe quoi… bon je vous laisse il faut que j’aille chez IKEA puis chez COSCO et au WALL MART enfin j’irais bien ou je veut…

  11. Bonjour, juste un témoignage : nous avons acheté en 1995 une bibliothèque Billy pour un rangement en cuisine : 2 portes vitrées , peu de place, grand rangement. Ce meuble a beaucoup voyagé et a été démonté et remonté 8 fois ! Toujours là, solide et encore pour longtemps ! Il est sût que chacun fait selon ses goûts et selon ses moyens, à notre époque, le monde entier porte les mêmes vêtements ou presque, pour le mobilier, c’est un peu la même chose ! Il est vrai que si vous prenez « l’intégrale » dans votre magasin de meubles , que ce soit Intériors, Ikéa, Alinéa OU…votre logis donnera une impression de « démonstration-magasin », bon, il reste tout de même toute la décoration ,qui , elle aussi, participe très fortement à l’ambiance et à la personnalisation de votre demeure. Je voulais témoigner pour la solidité de ces meubles ,j’ai aussi une table ronde choisie pour le côté pratique du pied central et de plus , démontable qui nous suit toujours. A vos achats !12th kicked

  12. Jean-François Beaulieu

    Lors de la révolution industrielle, bien des gens (surtout en Europe, car c’est là que les effets se sont le plus fait sentir) ont décrié la spécialisation des tâches et le fait que celle-ci faisait perdre des emplois à des « locaux » moins éfficaces. Je crois que ce que nous vivons en ce moment n’est qu’une continuation logique de ce phénomène (la dernière phase de celui-ci?). Pour ce qui est de la qualité, il appartient à chacun d’exercer sont jugement et d’acheter selon ses goûts, ses besoins et ses convictions. Pour ma part, je me rends de plus en plus compte qu’il faut investir un certain montant pour les biens que l’on veut voir durer (ce qui devrait être le cas des meubles et électroménagers). Comme me disait ma mère : « On est pas assez riches pour acheter « Cheap ». Et à bien y penser, les modes ne font-elles pas plus de dégats écologiques que la non-qualité ?

  13. Bon, disons les vrais choses: j’aime Ikea parce que ça correspond à mon statut actuel en terme mode de vie (jeune, design, pas trop cher). C’est vrai que certains articles sont de qualité assez ordinaire, mais certains meubles m’ont suivi depuis 5 déménagements… On dirait que tout dépend des déménageurs ;-) Aussi j’aimerais bien dire aux gens qui parlent de réparation de meubles que je cherche quelqu’un pour recouvrir un fauteuil berçant et ce depuis plusieurs mois. Le coût ?? Souvent autour de 1000 $, ce qui vous conviendrez est plus cher que du neuf. Il est aussi vrai que j’ai également acheté des meubles faits au Québec, d’une solidité sans pareil, mais trouver un design contemporain et actuel dans les magasins traditionnels et à prix raisonnable…toute une aventure.

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